The Village Detective : a Song Cycle (2021) de Bill Morrison

Voici un doc que je dédicacerai doublement à l'ami Bastien : d'une part parce que Bill Morrison, après avoir réalisé un doc sur ces bandes de films retrouvées comme par miracle au Canada (Dawson City : Frozen Time), s'intéresse cette fois-ci à un film (russe...) retrouvé là encore assez miraculeusement au fond des mers, au large de l'Islande... Et d'autre part (suspense insoutenable), parce que ce film dont on se dit immédiatement qu'il doit s'agir d'un truc extraordinaire, genre film disparu introuvable depuis des décennies, chef d’œuvre inconnu, trésor du septième art que l'on espérait jamais revoir... se révèle être un film, ben, sans grand intérêt (et, qui plus est, dont on possède encore des copies en parfait état)... Point d'ironie dans ma dédicace, tant je sais le gars Bastien fan tout à la fois d'incunable et de choses parfaitement ridicules, pour ne pas dire diablement absurdes... Pourquoi donc faire un film alors sur cette trouvaille ? Eh bien pour deux raisons tout de même - voire trois... Tout d'abord parce qu'il s'agit d'une œuvre avec l'incontournable acteur russe Mikhail Zharov (mais si... allons... il conseille le tsar dans Ivan le terrible, faites un effort) et la découverte de ce film (des années 50, ce qui est assez tardif dans sa carrière) où il tient le rôle principal va permettre d'évoquer divers films de sa bio - ce qui va tout de même couvrir une soixantaine d'années, des années 10 aux années 70 ; on en profite au passage pour évoquer ces bien belles œuvres historiques (de propagande) où l'on peut apercevoir les camarades Lénine ou Staline... C'est toujours bon pour notre culture. Ensuite, forcément, Morrison va se sentir un peu obligé de justifier le choix de ce sujet pour son doc, surtout lorsqu'il devient évident que cette œuvre n'a rien d'un chef d’œuvre... Il va tenter de nous tramer une petite métaphore filée sur la perte de ce film (au fin fond des mers) et la carrière de Zharov qui va un peu tomber à pic à partir de ce long-métrage (qui fut un succès populaire mais absolument point critique)... Comme en plus, le film présente une enquête policière (sur la disparition d'un accordéon, passionnant), "l'enquête" autour de ce film retrouvé (il essaie au moins pour un temps de nous tenir un peu en haleine, même si on comprend bien dès le départ qu'il ne s'agit point là d'une découverte révolutionnaire...) va être menée tout au long du doc... Enfin, il faut reconnaître que ce film miraculé (à défaut d'être miraculeux), même après avoir été rénové, se présente sous la forme d'images parfois étrangement déformées, créant ainsi des animations qui lorgneraient presque sur de l'art contemporain... Cela permet au moins de nous faire avaler la pilule : ce film "inconnu", porteur de tous les espoirs, est certes une daube, mais il n'y a pas de raison pour ne pas exploiter au mieux toutes les pistes afférentes à cette découverte (un acteur mythique, une carrière qui couvre plus d'un demi-siècle, un film exhumé du néant qui revient transformé, comme s'il avait gagné un étrange pouvoir de fascination). Bastiennissime dans le sérieux affiché face à cette ironie caustique.