Le Pays d'où je viens de Marcel Carné - 1956
Rhooooo le bon vieux nanar ! Vous allez me dire que je cherche un peu, et vous n'aurez pas tort : un film de Carné vieillissant avec Gilbert Bécaud en vedette, on peut considérer ça comme une menace. Et dès les premières minutes, la menace est mise à exécution. Dans une palette de couleurs à faire vomir le plus expressif des peintres pompiers, au son d'une chansonnette que Tino Rossi aurait trouvé ringarde, voici notre bellâtre dévalant une pente enneigée, fuyant on ne sait quel danger. Tout, dans cette scène d'ouverture, sonne faux : on sent qu'on va être là dans une artificialité béate de bienveillance, dans le divertissement sucré et nostalgique le plus ranci, dans un univers à 10000 lieues de la réalité. Pourquoi pas, me direz-vous, et c'est vrai. On poursuit donc, et on découvre que l'intention de Carné, très certainement, devait être de faire un film sur le merveilleux, la magie (ambiances dont il fut friand à sa grande époque). L'histoire peut rappeler ces scénarios où un personnage un peu magique rentre tout à coup dans des existences banales, les métamorphoses et s'en va sans autre forme de procès ; citons, toutes proportions gardées, Théorème ou Pale Rider. Notre envoyé est donc ici Bécaud, arrivé dans un petit village et découvrant qu'y vit son sosie (et bim, re-Bécaud), un musicien timide brûlant de déclarer sa flamme à Marinette (Françoise Arnoul), mais trop coincé pour y parvenir. Notre héros, lui, est décomplexé, viril et populaire (il se met dans la poche les deux frère et sœur têtes à claques de Marinette), et va tout mettre en œuvre pour amener son alter-ego à fricoter avec sa belle, quitte à user de procédés douteux.
On est dans le conte de Noël qui vous en donne pour vos trois sous de mélancolie, qui saura plaire aux petits zé aux grands. Il n'y a que les amoureux du cinéma qui vont sentir leur douleur. Des acteurs en-dessous de tout, y compris les vieux briscards comme André Gabriello, qui cachetonnent sans envie, et y compris les petits jeunes, comme Claude Brasseur, qui ne savent plus trop s'il faut jouer les gros bras ou les gentils poteaux ; des chansonnettes poussées à intervalles réguliers, qui feraient passer Mireille Mathieu pour une dangereuse punk, immondes de bons sentiments ; un univers coloré comme chez Mickey, rassurant et réconfortant comme le village de papy ; un scénario qui part complètement en sucette, tant le personnage principal manque de clarté dans ses objectifs (il veut se taper Marinette ou pas ?) ; des personnages clicheteux quand ils ne sont pas douteux (voilà, un film misogyne et pédophobe) ; enfin une mise en scène de gâteux, qui a oublié toutes les bonnes leçons des grands films de jadis (si si, il y en a eu un ou deux dans la carrière de Carné) : un ramassis de crétinerie grand public, qui draine putassièrement tout ce qu'on peut attendre en terme de bons sentiments. Joyeux Noël.