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7 octobre 2023

LIVRE : La Danseuse de Patrick Modiano - 2023

"Et je finissais par me persuader que c'était nous, car les mêmes situations, les mêmes pas, les mêmes gestes se répètent à travers le temps. Et ils ne sont pas perdus, mais inscrits pour l'éternité sur les trottoirs, les murs et les halls de gare de cette ville. L'éternel retour du même".

FR-NR-4a-d2-ee-15651402-1507-1-tsp20231003073302-La-danseuse"L'éternel retour du même", voilà une bien jolie expression qui pourrait caractériser sans pour autant la réduire la bibliographie de l'ami Modiano. Oui, Modiano modianise une nouvelle fois, tente encore et toujours d'y voir plus clair à travers le flou modianesque qui a fini par être sa propre marque de fabrique ("Dans l'immédiat, je voudrais ne pas m'égarer sur des chemins de traverse, mais suivre une route bien droite qui me permettrait d'y voir plus clair. Il faut marcher à pas comptés pour déjouer le désordre et les pièges de la mémoire".) mais quel plaisir, tous les deux ans, de passer deux heures en sa compagnie loin du bruit et du fatras du monde. S'enfermer pendant deux heures dans un livre de Modiano, c'est l'assurance d'être en bonne compagnie, en terrain connu, d'être pris par la main dans les rues parisiennes du passé à la recherche d'une éternelle silhouette féminine qui s'est estompée, enfin pas tout à fait... Le narrateur, cette fois-ci, suit pas à pas les petits pas chassés d'une danseuse. On aura droit, à travers la description de la discipline de fer que nécessite la danse, à une petite parabole sur ce que pourrait être le fait de devenir un écrivain : savoir s'appliquer une certaine discipline, justement, savoir s'oublier pour ne pas dire se perdre dans son art, s'y enfermer presque comme pour se cloisonner des méfaits alentours... Deux frères ici rôdent (l'un s'approchera d'un peu trop près de l'héroïne et Modiano, la fleur à la plume, le metooisera), ainsi que ce mystérieux père voyageant avec une mystérieuse valise (la menace du marché noir plane sur toute l'oeuvre de Modiano) - on notera le subtil petit changement de perspective, de focalisation, dans l'avant-dernier paragraphe, comme si Modiano reprenanit soudainement la main sur son narrateur pour annoncer le "pot-aux-roses") ; il sera aussi question d'amours troubles (des lesbiennes, du triolisme !!!! Bon, ne vous excitez pas, on est chez Patrick, dès qu'une situation commence à trop se pimenter, le blanc de la page blanche entre deux courts chapitres s'interpose et vous laisse tout l'espace à votre imaginaire) et donc d'un début de vocation... Les non-dits sont comme d'habitude plus parlants que les certitudes ("Le silence entre nous était un lien plus fort que les paroles" - du Modiano pur jus, qui va finir un jour par nous livrer un livre avec juste un titre et des pages à l'encre invisible), le flirt plus beau et plus léger qu'une promesse de mariage (le mot est tellement laid qu'il est banni de son oeuvre), l'essentiel étant encore et toujours de parvenir à retranscrire ce "présent éternel" dans lequel les personnages des oeuvres de Modiano sont enfermés comme dans un glacis pictural : des éclairs du passé ne cessent de ressurgir, le présent ne servant qu'à chercher à les raviver, à les rendre encore et toujours vivants. Une énieme petite ballade dans les rues parisiennes du cerveau de Modiano, une quête dans laquelle on se glisse comme dans des ballerines sur mesure (de la bonne grosse ballerine en 45, j'ai le pied dru) : on se sent tout d'un coup, dans cet univers littéraire qui n'est jamais exactement le même mais dans lequel on connaît tous les repères, comme plus léger, le cerveau comme désembrumisé. Une bonne bouffée de (littér)air pur. Noble Modiano.

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