Le Syndrome des Amours passées (2023) de Raphaël Balboni & Ann Sirot
Voilà une petite comédie belge (en provenance de La Semaine de la Critique et sur vos écrans à la fin du mois) de très bon goût, qui part d'un postulat pour le moins original et osé et qui parvient jusqu'au bout, grâce à une certaine maîtrise à tous les postes (acteurs, mise en scène des séquences dites sexuelles inventive, montage cut efficace, scénario à rebondissements soignant son dénouement...) à nous faire passer une bien agréable soirée. L'idée de Balboni et Sirot est la suivante : un couple de trentenaires ne parvient pas à faire un enfant ; leur docteur leur préconise un tout nouveau protocole pour vaincre leur "blocage" : chacun se doit de recoucher avec tous ses ex - à partir de là, l'enfant devrait venir tout seul... On ricane, on ose personnellement à peine penser à l'éventuel parcours sexuel que l'on devrait soi-même entreprendre (et encore moins à celui de sa compagne...), préférant voir comment les deux protagonistes vont en découdre... Dès le départ, il y a un léger décalage (il a eu trois conquêtes... elle, une bonne quarantaine), il va donc s'agir de garder d'un côté comme de l'autre la tête froide pour gérer ce petit déséquilibre... Si la jeune femme parvient à reprendre contact avec ses ex et à accomplir sa "tache" avec une certaine insouciance et un beau "professionnalisme", notre homme peine à se dépêtrer avec son passé et ses propres blocages... Il propose, dans un but aussi de s'occuper quand sa femme découchera, d'entreprendre de nouvelles conquêtes via internet : cela pourrait à la fois équilibrer les scores et le décoincer un brin... La confiance est totale entre les deux mais les dérives (sentimentales) et la jalousie sont toujours à craindre...
On sait gré à nos deux cinéastes belges de ne jamais tomber dans le graveleux (les scènes de cul, tout en montrant toute la nudité des corps, sont d'une belle pudeur et jamais répétitives), ni dans le drame ou trop de sérieux (c'est en cela qu'on sait qu'on n'est pas en France, et c'est assez reposant). A l'aide, dès le départ, d'un montage tout en cut qui montre nos deux héros discutant à bâtons rompus avec un grand naturel, gérant avec beaucoup d'à propos l'usage des nouvelles technologies (selfie, chat, mail, sites de rencontre...), ils livrent une œuvre moderne, légère et tonique sur un sujet qui pouvait facilement tomber dans les stéréotypes, les répétitions, les facilités. Voilà une comédie où l'on rit (et croyez-moi, cela m'arrive une fois sur cent...), tout en appréciant la capacité des cinéastes à trousser des situations originales et ubuesques : la partouze autour de la piscine avec des libertins coiffés d'une tête d'animal, excellent (Franju se fend la pipe dans son tombeau), la petite soirée où notre homme se retrouve en trio (deux hommes, une femme, pas forcément de possibilités...), pathétique, ou en quatuor (un homme, trois femmes, beaucoup plus d'inspiration...), youplaboum... Les deux comédiens sont comme des poissons dans l'eau dans cet univers de "libertinage pour la bonne cause" et ce malgré des situations parfois un brin gênantes : ils tentent jusqu'au bout, en devant gérer forcément chacun leur petite dose de mauvaise foi, de passer à travers ces douze travaux d'Apollon et d'Aphrodite sans bousiller leur relation - une gageure... Le final, surprenant, est joliment amené et l'on ressort de là tout content d'avoir assisté à une telle comédie enjouée (mais toujours pas pressé de faire en duo, même pour rirrrrre, deux petites listes...). On va même se pencher sur la première œuvre du couple de cinéastes, du coup. Oui, charmant. (Shang - 04/10/23)
Oui, mignonne mignonne cette petite comédie, sans cesse surprenante et gaie. C'est même assez incroyable que, sur un postulat aussi improbable et invraisemblable, les deux cinéastes arrivent à tenir aussi bien la barre jusqu'au bout. On tique un peu au départ, devant la situation qui doit bien plus au conte qu'à la réalité : coucher avec tous ses ex pour trouver la fertilité, on se dit que c'est un peu idiot, que ça sent le prétexte. Et puis peu à peu, grâce à la sympathie des deux acteurs, et à l'invention de la mise en scène (une touche de Gondry, non ?), on oublie la base fragile du film, et on rigole gentiment à ces situations sexuelles parfaitement assumées. Tout à fait exact, ce que dit mon gars Shang : les scènes de cul sont à la fois pudiques et osées, il fallait le faire. Balboni et Sirot invente une sorte de sas, creuset des fantasmes et des possibilités, où ils font se dérouler toutes les festivités de nos deux bougres, dans un dispositif qui a tout du bricolage à deux balles, mais qui fonctionne en plein : on est dans la comédie romantique moderne, qui appelle un chat un chat mais sait raconter sans vulgarité les plus coquines des situations. Au bout du compte, ce film a priori innocent raconte un thème très moderne : ls différentes sexualités dont on dispose aujourd’hui. Homosexualité, pan-sexualité, sexualité de groupe, sexualités alternatives, cyber-sexualité... nos deux cobayes expérimentent tout avant de régler complètement leur vie sexuelle, de devenir tout bêtement hétéro et monogames. Il a fallu en passer par toutes ces expériences-là pour finir par se retrouver dans le lit de l'entente retrouvée, et pour pouvoir attaquer une vie à deux... même avec des enfants qui ne sont pas tout à fait ceux qu'on attendait au départ. Le Syndrome des Amours passées, c'est finalement une belle petite incitation à assouvir nos envies sexuelles, un film hédoniste et qui vient avec bienveillance bousculer nos certitudes quant à nos sexualités bien rangées. Fun et malin. (Gols - 18/11/23)