Soldat bleu (Soldier Blue) (1970) de Ralph Nelson
Ralph Nelson est semble-t-il relativement connu pour trancher dans le gras et on peut dire que dans ce western, il ne se gène guère pour mettre les points sur les i. Relatant l'un des massacres d'Indiens commis par ces chères troupes de soldatesques ricaines, il ne va pas franchement faire dans l'ellipse ou le hors-champ, le bougre. Mais reprenons dès le départ. Une jeune femme (wild Candice Bergen) est escortée par des soldats après avoir été "retenue" plusieurs années durant dans un camp de Cheyennes - devenant en passant l'une des femmes du chef... Le convoi est attaqué par lesdits Cheyennes, donnant ainsi l'occasion au cinéaste de montrer toutes ses compétences pour mettre en scène cette attaque dite de la "table-rase" : les soldats sont enfumés dans leur broussaille et seront décimés jusqu'au dernier... Seuls la Candice et un unique soldat bleu (Peter Strauss, charmant et naïf) parviennent à s'échapper, se retrouvant un peu perdus au milieu de ces terres arides... Il est fidèle aux siens, elle garde une rancune tenace envers ces soldats qu'elle a déjà vus à l’œuvre dans son camp (viol, massacre sanglant, sauvagerie totale...), ils ne sont pas franchement sur la même longueur d'onde au niveau des idéaux mais les multiples aventures qu'ils vont encourir vont tout faire pour les rapprocher... Des Indiens sur leurs traces (et un combat à la vie à la mort pour notre Strauss), une rencontre déplaisante (C'est Donald Pleasance et son sourire crapuleux qui s'y collent), une errance au milieu d'éléments naturels ingrats ponctuée de chasses spartiates avant... avant l'Apocalypse et la confrontation finale, dans le tout dernier quart-d'heure, entre les Cheyennes et des troupes ricaines venues combattre en masse. Qui sont les civilisés, qui sont les barbares, dirait un Le Clézio outré ?... Il n'y aura pas photo...
Nelson n'est pas du genre à se cacher derrière un tipi : lorsqu'il faudra illustrer les combats (qui charclent - à pied ou à cheval) et montrer les exactions perpétrées par les uns ou les autres (coupez ce sein que je ne saurais voir... oups... décapitez cette femme qui hurle au milieu du champ de bataille... argh... tuons ces gamins à bout portant pour qu'ils explosent comme des petites mignonnettes... diable), notre cinéaste, montrant au passage les troupes ricaines foulant du sabot de leur cheval leur propre drapeau (merci pour le rappel chère compagne), n'ira définitivement pas par quatre chemins... Les envahisseurs sont des porcs, des brutes, des poucaves... Strauss, totalement décillé, pourra alors, s'il s'en sort vivant, peut-être enfin poser un regard à la fois aimant et compatissant envers cette pauvre Candice errant au milieu des cadavres d'enfants... Cette aventure à ses côtés lui aura permis tout de même au passage d'être moins benêt sentimentalement et patriotiquement. Toute une partie de route au milieu de nulle part (une bonne heure du film, ni captivante, ni déplaisante : nos deux héros doivent se domestiquer l'un et l'autre entre deux avanies) avant de parvenir à ce constat : je fais partie d'une culture violente et stupide... Pour faire passer la pilule, Nelson parsème son film de petits instants drolatiques (la chasse au bouc...), caustique (ce salopard de Pleasance) ou sexy (le postérieur de Candice offert en pâture - je n'ai pas mis le photogramme pour faire taire les mauvaises langues...) avant de délivrer ce message aussi lourd que trois pavés jetés dans la mare : pauvres barbares en barre que nous sommes. Un western rugueux et non dénué de souffle (une haleine aigre) dans son dénouement. Admirable Nelson.