Eternal Daughter (The Eternal Daughter) (2023) de Joanna Hogg
En recherche d'une oeuvre cinématographique hantée par les liens familiaux en général, et les liens mère-fille en particulier ? Vous allez être dès le départ charmé et pris dans la brume de cette nouvelle œuvre aux contours flous de l'amie Joanna Hogg... Un taxi qui s'enfonce dans la nuit et dans la brouillard en direction d'un immense hôtel qui semble à première comme à deuxième vue déserté... Seule une jeune femme, un peu revêche a priori, est à l'accueil et accueille justement un peu froidement ces visiteuses du soir. Julie, c'est le nom de la fille, accompagnée du chien Louis, insiste pour avoir accès à la chambre du premier étage... Elle vient ici, on l'apprendra vite, dans l'ancienne demeure de sa tante, pour partager du temps avec sa mère et écrire un film sur elle... Seulement cet accueil, distant, semble augurer des difficultés de Julie pour se sentir à l'aise dans ce manoir abandonné, sans client - tout juste parfois une ombre humaine au détour d'une fenêtre (un être de chair ou un fantôme ?); dès la première nuit, blanche, Julie se montrera perturbée par les multiples craquements que lâche la maison et les divers bruits sourds qui lui parviennent de loin... Au matin, la mère, fraîche comme une rose, ne semble avoir rien remarqué. Julie tente alors de se mettre au travail dans une chambre à l'écart mais rien n'y fait... Elle tente alors d'interroger sa mère sur ses souvenirs, mais les seuls souvenirs qu'elle provoque en elle sont souvent mortifères... Julie, entourée par les mystères, les non-dits, gaffant à tout va, s'enfonce peu dans une sorte de tristesse - mais cet état est peut-être nécessaire pour parvenir enfin à "toucher du doigt" cette mère...
Hogg réussit son atmosphère hitchcockienne et joue avec les sons étouffés et les ombres mouvantes dans la brume nocturne avec un certain savoir-faire. Le film, tout de même, s'enfonce dans une sorte de languissement morne qui peut finir par endormir son homme... Mais on se laisse malgré tout bercer par ce face-à-face troublant entre ces deux femmes, la nerveuse Julie (Tilda Swinton, le rictus de mise), et sa mère (Tilda Swinton, sereine et posée). Car oui, Hogg, malicieusement, fait jouer le rôle à la même actrice caméléon, deux femmes à la fois si proches au premier abord, mais si différentes - les champs/contre-champs systématiques accentuant forcément la chose... On aura le fin mot de cette histoire de "quête de la mère" (pourra-t-elle la cerner, la comprendre, l'approcher ?) lors d'un petit twist relativement attendu (mouais, on a des kilomètres au compteur pour décrypter ce genre de récit flou) mais qui donne tout de même au film cette petite patine troublante, mélange de mystère et d'apaisement - comme on le dirait pour un mort. Hogg trousse une nouvelle oeuvre formellement attractive mais dont le fond peut tout de même paraître à la longue un peu mollasson et facile. Atmosphère, atmosphère, c'est toujours bon à prendre même si ce (sombre) film d'Hogg est un peu plat.