Indiana Jones et le Cadran de la Destinée (Indiana Jones and the Dial of Destiny) de James Mangold - 2023
Au milieu du concert de louanges, il fallait bien la petite voix de Gols pour envoyer de la grimace et de l'aigreur : j'ai été quelque peu déçu par cet opus tardif de notre héros au fouet, je vous le dis tout net. Non pas que je ne me sois pas amusé à plein d'endroits. Mais l'ensemble me paraît tenir du bon produit hollywoodien classique, du film d'action efficace, là où le "mythe" Indiana Jones, du temps de Spielberg, transcendait complètement le genre, dépassait amplement le cahier des charges du tout-venant du blockbuster. Jusqu'à maintenant (et si on exclut le dommageable épisode 4), la franchise nous faisait renouer avec quelque chose de notre enfance, allait faire un tour chez Tintin autant que chez Jules Verne, usait du merveilleux et du fantastique avec une nostalgie pour la magie de l'enfance qui faisait merveille. Mangold en fait un film d'action de plus, certes très efficace et réussi ; mais que Indiana Jones y soit présent est presque anecdotique. Et on regrette le temps passé.
La scène d'introduction m'a déjà fait beaucoup de mal : Harrison Ford y est rajeuni numériquement, pour des scènes aux effets spéciaux assez immondes (ce type qui court sur le toit d'un train, animé comme dans un jeu vidéo un peu ringard), et tout est dit : adieu le fait main, l'artisanat, l'humanité des premiers épisodes, bienvenue dans l'ère du fake et des pixels. La séquence est laide, et l'action, du coup, est rendue banale, tant on sent qu'on regarde des images de synthèse se friter entre elles et qu'on s'en bat les reins. Pourtant, Mangold essaye ici de retrouver parfois la fluidité de la mise en scène spielbergienne, cette façon d’enchâsser chaque action dans une autre pire encore, dans une logique de la surenchère. Après cette pénible introduction, ça va mieux : on retrouve notre Harrison avec l'âge qu'il a, et on aime cette façon d'assumer ses rides, de jouer même avec humour avec le vieillissement et la ringardise du personnage. Il est flanqué pour l'occasion d'une concurrente toute en charme et en humour (la délicieuse Phoebe Waller-Bridge), et il retrouve également un bambin débrouillard, comme dans l'épisode 2. Petit plaisir aussi : il est à nouveau confronté aux nazis, traités ici avec un premier degré salutaire, et représentés par le grand Mads Mikkelsen, parfait en salopard intégral. Il ne faut que quelques minutes pour que l'action envoie des cacahuètes, notamment lors d'une spectaculaire séquence en touk-touk, qui renoue pendant quelques minutes avec la maestria spielbergienne. On s'amuse pas mal à voir notre trio infernal régler leurs comptes privés tout en assommant sans vergogne des nazis, en sautant dans des avions en marche ou en frôlant la mort.
Mais peu à peu, le manque d'idées se fait sentir. Oui, on en prend plein les yeux, oui le gars n'est pas avare en scènes d'action (quitte à en rajouter deux très longues qui sont en trop : une sous l'eau avec des murènes, inutile ; l'autre qui tente de renouer avec le merveilleux des découvertes archéologiques propres au personnage, poussive et bâclée), oui il a un certain savoir-faire dans l'écriture, et oui il sait très efficacement semer ça et là l'émotion qui va bien (notamment lors de la séquence finale, joli adieu au personnage). Mais l'esprit de la saga est ici comme dévoyé, rendu à sa simple efficacité commerciale, comme si Indiana Jones n'était qu'un produit de consommation de plus, et pas une série avant tout révélatrice de notre part enfantine, un objet de nostalgie, un doudou en quelque sorte. En attestent ces effets spéciaux vraiment affreux, ces trucages à l'ordi qui rompent avec l'esprit de la saga, ces transparences dégueulasses : symbole d'un dévoiement de l'esprit de la chose. On regarde le film se dérouler en rigolant bien, satisfait et repu, mais on ne peut s'empêcher de repenser aux premiers épisodes, et de se dire que quelque chose a été perdu ; peut-être notre enfance, certes ; mais peut-être aussi un savoir-faire, une confiance dans la magie simple du cinéma, une capacité à nous émerveiller. Ce n'est pas en copiant des recettes qu'on devient Troisgros.