Un petit Frère de Léonor Serraille - 2022
Après un premier film attachant, restait à Léonor Serraille à faire ses preuves sur ce deuxième. C'est chose faite donc avec ce Petit Frère assez touchant, peut-être pas complètement réussi jusqu'au bout (à vrai dire, seule la première heure convainc vraiment), mais en tout cas sensible et intelligemment fabriqué. Voici la chronique parfaitement documentée d'une famille d'immigrés ivoiriens, déployée sur une trentaine d'années : une jeune mère, ses deux fils, débarqués en France après un passé qu'on devine tragique mais qu'on nous taira. C'est le truc habituel : Rose veut que ses enfants soient exemplaires, bien habillés et excellents à l'école, discrets et bien intégrés, comme tous les parents immigrés du monde. La chose qui fait de Rose un personnage moderne et différent : sa liberté, sa manière simple et franche d'aborder la vie, et surtout les hommes. Au Black qui la drague dans les formes, elle préférera le petit ouvrier marocain, ou le Français charmeur, jonglant avec les amours en toute indépendance, passant volontiers ses soirées à danser ou faire la fête, assumant, à l'instar des personnages habituels d'immigrés humbles, sa libération. La première partie, consacrée donc à ce portrait de femme d'aujourd'hui, est bien agréable : Serraille détourne les clichés, et trouve une vérité étonnante dans le quotidien de cette femme forte et volontaire, qui se plie aux aléas de la vie (son boulot de femme de ménage) mais sait aussi s'émanciper par sa féminité, sa force de caractère, sa liberté. Dans les détails, la réalisatrice trouve toujours le petit truc qui fait vrai, et son film, parfois quasi-documentaire, est tout à fait pertinent et intéressant, parfois même surprenant dans sa façon de pulvériser les motifs attendus dans ce type de production. Ajoutons que la comédienne (Annabelle Lengronne) est vraiment très bien.
Malheureusement, elle abandonne ensuite sa sensibilité humaniste pour teinter son film de chronique politique et sociale, ce qui lui va bien moins bien au teint. En changeant de point de vue et en adoptant celui de l'aîné, puis du cadet, elle perd la précieux atout qu'était son personnage principal, qui disparaît presque complètement. Il y a encore, ça et là, des traces du beau réalisme, de la précise observation du monde contemporain, qui resurgissent, notamment lors d'un contrôle policier tendu. Et puis il y a cette belle scène finale, simple rencontre entre un fils grandi et sa mère vieillissante, très sensible et joliment montée. Mais la magie fragile du début est perdu, Serraille veut trop dire et pas assez montrer et on est nettement moins captivé par cette génération de jeunes que par celle issue directement de l'immigration. Dommage, il y a encore de belles choses là-dedans ; on reste confiant en Léonor Serraille.
C'est Diaphana Distribution qui sort le film en Blu-Ray, DVD et VOD le 6 juin (le site de l'éditeur, son Facebook, son twitter).
Et le lien vers la fiche Cinetrafic du film : https://www.cinetrafic.fr/film/66513/un-petit-frere