Youssef Salem a du succès de Baya Kasmi - 2022
On est dans la journée "films gentils" sur Shangols, ça change, et ça permet de regarder sans façon des minuscules films innocents et lumineux. Ce Youssef Salem a du talent est mignon comme tout, et pose une question essentielle : peut-on être écrivain d'auto-fiction et épargner ses proches ? C'est la dure interrogation qui assaille notre Youssef, qui plus est fils d'immigrés algériens, et qui publie en cette rentrée une histoire familiale légèrement critique, dont il n'a caché la vraie identité que très maladroitement. Il pensait passer inaperçu, mais le voilà sur la liste du Goncourt, et confronté à un dilemme : accepter enfin qu'il est un homme, que sa famille n'est pas en sucre, et qu'il ne va pas perdre père, mère et frère et sœurs dans la bataille ; ou se cacher, empêcher ses parents de lire le truc et rester dans le non-dit inhérent à sa famille. Bon, c'est une jolie petite comédie, et entre fratrie gentiment clicheteuse (une sœur homo, une autre dépressive et repliée sur ses colères identitaires, un frère anonyme comme tout), parents typiques (mère un peu sotte mais gentille, père hanté par la discrétion, l’excellence scolaire et la culture française) et éditrice fantasque (Noémie Lvovsky, qui fatigue un peu avec son personnage extravagant et versatile), on a l'occasion de sourire avec tendresse devant l'immaturité de Youssef et le portrait ironique de la famille typique. Mais, beaucoup trop petit-bras, le film reste à l'orée de son sujet, ne va pas dans le fond, et se révèle au final bien trop inoffensif. C'est tendre et bon enfant, oui, postures revendiquées par le jeu de Ramzy Bédia dans le rôle principal : interprétation modeste et sans esbroufe, que d'aucuns appelleront ratée, mais qu'on peut trouver charmante. Dommage que, par timidité, Baya Kasmi ait décidé de rester le cul entre deux chaises, entre portrait d'une "malédiction familiale" et farce. Plus dans la première intention, il avait l'occasion de montrer toute la difficulté d'intégration de ceux qui ne font pas partie du sérail, une observation en coupe du petit monde de l'édition parisienne, et un beau tableau d'un homme partagé entre sa culture et ses racines ; plus dans la deuxième, il aurait pu aller beaucoup plus loin dans la farce, monter un film en forme de piège sur le déni. Bon, là, avec cette mise en scène invisible, ces acteurs hésitants (les parents, brrrr) et ces personnages un peu trop taillés d'un bloc, c'est juste rigolo et agréable. Et il faudra attendre la toute fin pour voir enfin se pointer une douce émotion, le livre de Youssef servant en fin de compte de révélateur à chacun.