Cari fottutissimi Amici (1994) de Mario Monicelli
C'est vrai qu'on n'est généralement pas des grands fans de comédie, surtout française (dix chroniques sur dix-mille-huit-cent-soixante doivent être consacrés à des films comiques français sur Shangols - dont deux films de Duras) ; heureusement qu'en terme de comédie, en effet, il y a les Italiens qui, même quand ils partent un brin en quenouille, restent en général véritablement drôles et touchants. C'est le cas avec cette œuvre de Monicelli qui suit, au lendemain de la guerre, un petit gros moustachu entraineur de boxe (comme moi de jokari) avec son équipe de bras-cassés au physique plus de pongistes que de boxeurs : l'idée est de faire le tour des foires, d'attirer le chaland avec des combats foireux, et de se faire payer globalement en nature (légumes, fruits et oeufs, tout est bon à prendre...). Partis de Florence, ils embarquent dans une pétaudière sans frein et roulant au charbon : des rencontres surprenantes (un soldat américain qui s'est réfugié pendant six mois dans une ferme, une donzelle qui s'est fait raser le crâne à la sortie de la guerre, une autre un peu plus avenante rencontrée à un passage à niveau...), des combats qui partent en vrille, de petits moments de gloire et de grands moments de solitude (pas facile de faire face à de vrais boxeurs baraqués quand on ne s'est entrainé qu'une fois dans sa vie contre un punching-ball qui nous a mis KO) ; une épopée de pieds-nickelés où la solidarité comble les mésaventures sordides et les diverses misères...
Comme le dit notre ami entraîneur (qui est adepte du comique de répétition) : tout est une expérience - surtout les plans foireux à en croire les galères dans lesquelles il emmène ses néo-boxeurs couards ("l'expérience est le nom qu'on donne à ses erreurs" disait Oscar Wilde, il serait sûrement d'accord avec l'adage) ; dès le départ on se marre franchement devant la tchatche et l'auto-dérision de cette bande (ils se retrouvent notamment tous les en quatre en file devant une boutique d'horlogerie, annoncent au premier passant qu'ils attendent des patates (!), ameutent au final tout le quartier... puis se cassent... L'horloger arrive quelque peu surpris devant cette clientèle inattendue...) : Paolo Villagio (son nom est déjà tout un poème) n'est pas du genre à reculer face à l'adversité : sa bagnole est un danger public, ses boxeurs sont nuls à chier, sa maîtrise du poker est telle qu'il est capable de perdre en un clin d’œil tous les gains d'une soirée et il a le chic pour attirer les plans foireux ; il emmènera ses apprentis boxeurs au... pugilat en les faisant combattre dans un camp d'infirmerie tenu par des Ricains (seule la ruse ou un courage démentiel leur permettra de sauver la mise) puis en les menant à un mariage où ils finissent par être bêtement... condamnés à mort. Si ces combats aux allures tatiesques sont là pour amuser la galerie, s'ils nous font marrer par les situations merdiques qu'ils accumulent au fil des kilomètres (se faire menacer de mort pour avoir volé un poulet, un exemple parmi d'autres...), il y a toujours, même dans les moments les plus creux, un petit quelque chose d'humain qui permet de les faire tenir ensemble, de se soutenir malgré tout ; même quand ils proclament comme des gros lourds vouloir abuser d'une femme, ils finissent l'un après l'autre par passer leur tour et par offrir l'hospitalité à cette âme en peine. Grandes gueules bravaches mais bons cœurs. Réjouissant et emballant, un super Mario.