LIVRE : Quelques mois dans ma vie : octobre 2022-mars 2023 de Michel Houellebecq - 2023
Houellebecq boit. C'est à peu près la seule conclusion qu'on peut atteindre en lisant son nouveau bazar. Voyez : le mec picole, et boum il s'engage dans le tournage d'un film porno fumeux, sans lire son contrat, et le voilà sur les bancs des tribunaux ; le mec se ruine la tête, et bim, il écrit une tribune islamophobe dans le journal d'Onfray, sans se relire, et le voilà sur les bancs des tribunaux. C'est pas de sa faute, c'est l'alcool. Et après, le voilà condamné à écrire un livre pour s'excuser, ou pour justifier de sa bonne foi, voire pour enfoncer un peu le clou quand il s'autorise un petit verre supplémentaire. Quelques mois dans ma vie n'est pas le nouveau Houellebecq, il n'y fait presque aucun effort de style ou de discours : c'est une sorte de lettre ouverte à ses détracteurs et autres ennemis, pour tenter de se dédouaner de tout ce qu'on lui fait endosser en cette période où son discours a un peu tendance à puer du cul. La tribune que ne lui accordent plus Libé ou France Inter prend ainsi la forme de cette longue plainte un peu éthylique et pitoyable. C'est donc assez pathétique qu'on retrouve notre Houellebecq si brillant jadis : aujourd'hui, il a la queue basse et l'amertume mal assumée. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on le préfère flamboyant et provocateur, même s'il a pu lui arriver, oui, de dire un paquet de conneries. Où est passé la pertinence, l'humour fulgurant, l'originalité, l'esprit de contradiction, le cynisme punk, le romantisme noir de l'auteur de La Possibilité d'une Île dans cet essai doloriste et auto-apitoyé ? Il semblerait bien qu'il soit mort avec les derniers restes de fierté du gars.
On le voit donc péniblement remonter le cours d'une affaire de film porno volé à son insu, dont on n'a franchement pas grand-chose à faire, insulter copieusement les commanditaires de la chose, tenter de nous empêcher de le voir. Il pourrait, au moins, en profiter pour nous donner ses idées sur le porno, ça serait ça de pris. Mais complètement empêtré dans sa défense (qui ne tient pas vraiment), il se contente de balancer quelques réflexions molles sur la chose, et l'aspect sociologique de Houellebecq se perd complètement dans les jérémiades. Certes, on retrouve ça et là un peu de l'humour caustique du bougre. Il m'est arrivé, je l'avoue, d'éclater de rire devant la posture droopyesque du compère, qui consiste à balancer quelques horreurs crues (sur les féministes, sur YouPorn, sur la Hollande, sur les conventions sociales, sur Edwy Plenel, et surtout sur lui-même) avec un ton désespéré, désabusé et à la fois savant et érudit. Cette tendance a fait tout le sel des grands Houellebecq, il en reste quelques bribes. Mais que tout ça est grisâtre. Plus convaincante est sa défense autour du soupçon de racisme et d'extrême-droitisation de ses idées. Il réécrit les textes polémiques qu'il publiât jadis, et rien que cette nouvelle formulation permet de se rendre compte de la précision de sa pensée... même si ça ne devrait une nouvelle fois pas lui attirer que des amis. Bon, un livre d'exorcisme de sa peine, même s'il reconnaît détester ça, qui vaut tout de même 12,50€, hein, y a pas de petit profit.