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9 mai 2023

LIVRE : Le Roman inachevé de Louis Aragon - 1956

Il est inutile de geindre
Si l'on acquiert comme il convient
Le sentiment de n'être rien
Mais j'ai mis longtemps pour l'atteindre.

3a7d55eb28b7bf412f7b4855c5d9857b4a7e0b12fba939c12446e44a74b6b96cEnvie d'un peu de beauté dans ce monde cruel, retour donc à mes origines, à savoir en Aragonie, pour y retrouver un peu quelques traces de poésie et de sagesse. Ce gros recueil semble idéal pour ce que j'ai : ce sont des poèmes d'éveil, de remise en question et d'apaisement, qui se penchent sur les engagements passés d'Aragon, sur son passé tout court d'ailleurs, et questionnent l'image d'écrivain politique qu'il avait à l'époque, jusqu'au culte. Trois parties : l'une sur sa jeunesse fougueuse, une autre sur ses voyages et un premier amour, une troisième sur la désillusion des engagements et la passion pour Elsa. Les trois sont géniales. Au fil de ces poèmes souvent très longs, souvent très tortueux, se trouve toute la poésie du maître. D'abord dans la forme : c'est un extraordinaire bordel de versification, mais qui peu à peu, par son désordre même, trouve une étonnante cohésion. L’alexandrin, figure inoxydable et reconnaissable entre toutes chez Aragon, explose ici sous l’expérimentation. Prose poétique, vers à 8, 10, voire 16 pieds, rimes complexes entrelacées sous des concepts très novateurs, la musique aragonienne se trouve ici chamboulée par le goût pour la récréation. Au sein d'un même poème, la versification peut changer, et au bout d'un long passage en alexandrins, qui trouve sa petite musique intime et "facile", nous balancer un vers court, à l'encontre de tout schéma formel. Assez bouleversant de voir ainsi le poète vieillissant casser la forme qui l'a fait connaître, jouer avec les rythmes, remettre en question la petite musique qu'il a mis des années à mettre en place. Du coup, même pour un vieil amoureux de l’alexandrin comme moi, Le Roman inachevé secoue complètement le cocotier, et on se retrouve pantois à admirer un vers impair ou une métrique inédite, qui casse notre schéma français classique. N'y allons pas par quatre chemins : stylistiquement, on est là dans le génie pur, et on est complètement happé par les rythmes inédits qui nous sont balancés ici. D’autant que la longueur des poèmes favorise la lente entrée du lecteur dans cet univers éclaté et assez expérimental.

Au niveau du fond aussi, c'est parfait. Aragon est à un tournant de sa vie, revenant peu à peu sur ses engagements communistes qui se heurtent aux horreurs avérées du stalinisme. Sa solution pour s'en remettre : revenir dans les bras d'Elsa, revenir aux poèmes d'amour fiévreux de jadis, retrouver l'intime au sein de la grande affaire qu'est la vie. Que ce soit dans les poèmes sur la désillusion politique (magnifiques parties sur les grands résistants russes), dans les poèmes nostalgiques et légèrement amers sur sa jeunesse de voyage et de dessillement, ou dans ceux qui clament l'éternité de son amour pour Elsa, on est scié à chaque fois par la pertinence, la justesse de l'auto-critique, la sûreté de ses choix malgré les errances du passé. Il y a des descriptions de Moscou qui vous font littéralement entrer dans les bas-fonds et les rues de la ville, il y  a des récits de combats résistants qui vous font frissonner, il y a des hommages aux grands maîtres (Eluard, Péret) qui vous font ronronner de plaisir. Mais c'est dans le sentiment amoureux qu'Aragon se montre le plus génial. Ses envolées vers la bien-aimée sont bouleversantes, on rêve de savoir exprimer aussi bien la passion, le confiance, l'admiration en l'autre. Le tout, au final, constitue bien un roman, le roman d'une vie, racontée d'ailleurs chronologiquement, un roman éclaté en vers, mais un roman. Un livre en tout cas à relire sans arrêt, pour faire le point sur sa propre vie. Aragon l'a fait avec une lucidité et un génie devant lesquels il faut bien entendu s'incliner dévotement.

Commentaires
M
Pour ceux qui penseraient, s'il y en a, qu'Aragon était un vieux con staliniste qui vira homosexuel après avoir chanté Elsa pendant des décennies, qu'ils plongent dans "Le fou d'Elsa", "La mise à mort" ou "Blanche ou l'oubli", ils découvriront un des plus grands écrivains du XXe siècle. Même ses "Communistes" de plus d'un millier de pages vaut qu'on s'y arrête pour un peu mieux comprendre ce que fut la période de septembre 39 à mai-juin 40.
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A
Bien d'accord avec vous ! <br /> <br /> Très grand. Immense. <br /> <br /> Sans vouloir la jouer plus malin, oh mon dieu non!,je croyais ce livre son plus grand, en forme poétique s'entend, jusqu'au jour où j'ai lu " Les Poètes poème ".<br /> <br /> Le Maître a mis sa patte sur le vingtième siècle.
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