Retour à Howards End (Howards End) (1992) de James Ivory
Merchant, Ivory, Forster, Hopkins, Thomson, un assemblage de noms qui ferait frémir de peur n'importe quel punk qui se respecte. Alors que dans le même temps, voilà une affiche qui pourrait provoquer moult troubles dans un Ehpad où papys et mamys s'arracheraient les chaises en plastique à tour de bras pour être au plus près de l'écran. Et sérieusement, sinon ? Alors oui, on connaît la chanson, les noms précédemment cités ayant laminé de leur savoir-faire nos années 80 et 90... On sait d'avance qu'on sera devant une œuvre où reconstitution d'époque, bel éclairage, jolie couleur de fleurs et interprétation au cordeau seront de mise. Cette oeuvre-ci ne démentira point cette attente... Et ce n'est pas forcément d'ailleurs la plus chiante de la série Ivory / Forster. Et l'histoire ? Rofff, celle de deux sœurs, l'une (Emma Thomson) très assagie, capable de s'associer avec le très conservateur et lénifiant Hopkins, riche veuf ; l'autre (Bonham Carter) plus rebelle et libre, ayant une sorte de don pour tomber amoureuse d'hommes désargentés - mais assumant pleinement cet empathie envers le pauvre... C'est d'ailleurs sans doute ce qui est le plus surprenant (osons) ici : derrière ces belles familles aristo-bourgeoises, ces belles maisonnées de campagnes, ces gens très propres sur eux, se cache en creux, dans cette œuvre, une évidente petite critique de ces nantis pour lesquels toute autre personne hors de leur milieu est forcément quelqu'un "d'intéressé", d'opportuniste... Hopkins, dans un premier temps, prive Emma Thomson d'un héritage tout fait (la femme d'Hopkins, sur son lit de mort, lègue à Emma cette fameuse maison d'Howards End... Hopkins brûle cette ultime note en toute impunité) ; il n'aura ensuite que mépris envers la soeur d'Emma qui aide ce pauvre bougre qu'est Leonard Bast puis s'en amourache... Il pourrait venir en aide à ce dernier ou prendre la sœur d'Emma sous son aile mais que nenni, il les conchie d'un simple regard... Et le pire, dans cette histoire si propre sur elle, c'est que rien ne viendra s'opposer franchement à ses choix et à ses idées basses : ni ses enfants (des merdeux), ni Emma Thomson (qui rentre dans le moule de cette famille comme cinquante sardines dans leur boîte), ni le destin : il règne en maître car il est le maître... Il n'y a que sur le fil, après un drame terrible, (et alors qu'il n'a finalement plus grand-chose à perdre tant il est abattu) qu'il parvient à faire quelques concessions... C'est le minimum. Les pauvres, eux, au final, ont juste morflé leur mère... Belle époque où la lutte des classes n'était même pas encore un concept. C'est, comme d'hab, très propre, très sage, avec sous l'ivoire, la petite carie dentaire Bonham Carter qui apporte son petit côté rebrousse-poil. Du cinéma de papa après l'heure, soigné, ripoliné, propre. Trépidant comme un calmant.