La Maison près du cimetière (Quella villa accanto al cimitero) de Lucio Fulci - 1981
Faut-il admirer la radicalité et la personnalité hors-norme de Lucio Fulci, ou se gondoler comme un bossu devant son cinéma hyper amateur, érigeant le faux raccord en obligation ? On ne sait trop sur quel pied danser devant La Maison près du cimetière, même si, franchement, mes sentiments me portent un peu vers la deuxième option. Ce qui est intéressant là-dedans (comme dans le western-spaghetti, autre genre perverti par les Italiens), c'est la sorte d'épure à laquelle se livre le cinéaste : il ne garde que la substantifique moelle du genre horrifique, balançant tout le gras aux orties, soit le scénario, les acteurs, la vraisemblance, le bon goût, etc. C'est risqué, certes, et Fulci se heurte bien plus souvent qu'à son tour sur un mur bien solide qui a nom : "et le cinéma, bordel ?". Mais on ne peut s'empêcher d'admirer les scènes de pure horreur, sortes de manifestes kitsch et graphiques, hyper-violents et sadiques qui jalonnent le film (trop rarement, malheureusement) : des meurtres qui vont jusqu'au bout du bout du sanglant, à l'image de cette jeune femme lardée de coups de pointe, filmée en très gros plans pour mettre en valeur les geysers de sang, les trous répugnants dans sa chair, la surenchère de brutalité de l'assassin. Vraie scène impressionnante, d'un formalisme typiquement "giallo", et qui suffit à notre bonheur, compensant quasiment les 80 autres minutes.
Elles passent mal, ces minutes, tant Fulci se cogne complètement de tout ce qui sort de l'horreur. Son scénario est nul et ne se donne même pas la peine de résoudre ses énigmes : une vague histoire de maison hantée par une ancienne famille, un type qui enquête sur elle est retrouvé pendu et sa famille assassinée, un nouveau bougre se pointe pour résoudre l'enquête de l'enquête, que pensez-vous qu'il en résulte ? Nous on le voit bien, mais pas le personnage principal, qui traverse tout le film sans s'inquiéter de rien, même quand une chauve-souris affreuse lui bouffe la main (autre scène marquante, au passage), même quand son môme trouve une tête coupée en bas de l'escalier. "Mmmm, tu es surmenée, ma chérie", dit-il, et c'est reparti pour un quart d'heure. On aimerait bien voir sa famille décimée, cela dit, tant ils sont campés par les acteurs les plus mauvais de la chrétienté, une femme qui ne sait que gueuler comme un putois et un fils de 10 ans curieusement laid (et post-synchronisé par un type qui a au moins 50 ans). Bon, sinon, eh bien on lèvera un sourcil devant ces cadavres défigurés alors qu'ils n'ont été que poignardés, devant cette musique stridente et moche (mon voisin est descendu), ces zooms de grand-huit et ces scènes longuettes pleines de monstres jouant à cache-cache avant d'enfin passer à l'action. C'est laid, long, mal rythmé, mal foutu, mis en scène à l'arrache ; mais on notera tout de même un aspect intéressant : l'utilisation du regard subjectif enfantin, les mômes étant les seuls à voir la vérité de l'horreur quand les adultes continuent tranquillement leur existence. Typique des cauchemars enfantins, ça, docteur Freud.