Le Sous-sol de la peur (The People Under the Stairs) de Wes Craven - 1991
Petite revoyure de ce film qui, à défaut de me faire réellement dresser les cheveux sur la caboche, avait eu au moins le mérite de m'intéresser pour son aspect politique, et pour sa propension à mêler le grotesque à la peur, ce qui a toujours le don de me réjouir. Bon, le film a vieilli, on ne va pas se le cacher ; techniquement, il est loin d'être génial, notamment au niveau de la musique, affreuse, des maquillages (du fond de teint de chez "Tout pour la fête") et de la photo, très marquée années 80. Mais il reste avec le temps quelque chose de ce qui m'avait ému jadis. Dans ce scénario hautement improbable se niche une vision de la cellule familiale, et plus largement de la société américaine, qui marque des points dans le cynisme et l'ironie. Fool, un petit môme des quartiers, est embarqué par ses deux potes pour aller cambrioler une maison. Ils n'auraient pas pu choisir plus mal l'endroit, car ils vont se retrouver piégés dans la baraque, à la merci d'un couple incestueux et diabolique. Ceux-ci ont en effet enfermé dans leur sous-sol un paquet d'enfants abandonnés, laissés pour compte, afin de... de les... bon, ça c'est pas très clair, mais disons que la lie de la société vit dans leurs murs sous la forme de gusses hagards et muets, affamés et pâlots. Or, nos trois héros vont devoir se battre contre : 1/ le chien du couple ; 2/ ces zombies zarbis ; et surtout 3/ le couple armé jusqu’aux dents, constitué de deux énergumènes issu des pires cauchemars de Lynch (Everett McGill et Wendy Robie, revoyez Twin Peaks) et cartoonesques comme dans un bon vieux Sam Raimi. Une maison-monde aux mille recoins, en apparence tranquille et WASP, en deuxième couche infernale et violente : le décor de The People Under the Stairs est très inventif et prend peu à peu le rôle principal de la chose.
Dans un montage très fluide, dans une mise en scène toujours lisible, dans un rythme fort bien tenu, Craven déroule sa symbolique, ajoutant ici une petite Alice carrolienne pour ajouter à l'aspect conte, là une révolte fomentée par les habitants des quartiers pour souligner sa volonté politique. Car finalement, ce qui se joue dans ce film, c'est la lutte des classes : les nantis ont la grosse baraque, l'immunité et peuvent même ponctionner des enfants chez les pauvres ; ceux-ci n'ont pus qu'à se ronger les sangs et se laisser malmener. C'est pas fait très légèrement, je le conçois : la montagne d'or et de biffetons accumulée dans la cave ressemble à un vieux Picsou, le jeu des acteurs n'est pas franchement oscarisable, tout ça est un peu décousu et asséné au marteau-piqueur. Mais Craven a compris que l'humour et l'horreur pouvaient cohabiter à bon escient, et lâche la bride à ses deux méchants (surtout McGill, baroque et clownesque) en multipliant les supplices qu'ils infligent à nos héros et qu'ils reçoivent en retour. On dirait le Coyote dans Beep-Beep, tant le gusse se ramasse d'objets en travers de la face. Même si les effets spéciaux sont un peu cheap, on reste assez fasciné par ces prisonniers du sous-sol, idée torve qui met en joie. Un film intéressant dans l’œuvre inégale de Craven.