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14 février 2023

Bowling Saturne (2022) de Patricia Mazuy

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C'est pas mal, pour le cinéma français, cette petite percée tragique dans le noir. On est ici dans l'atavisme brut, avec ses deux (demi-)frères, qui de leur père, outre le bowling, ont reçu en héritage, non pas tant l'amour comme l'eut chanté jadis Nana Mouskouri, mais plutôt la violence, l'apreté, l'absence d'affect. Patricia Mazuy, nous plonge au cœur de la nuit, au cœur de ce bowling en sous-sol, et surtout au coeur de la violence des hommes. A la mort du père, chasseur, Guillaume, flic (tout ce qu'on aime, décidément...), hérite du pater son entreprise ; n'ayant pas le temps de s'en occuper, il demande à Armand, homme frustre et frustré (dès les premières séquences, l'on comprend que ses rapports (sexuels) avec les femmes ne sont pas simples...) de prendre ce bowling en gérance. Armand tergiverse puis accepte. En enfilant ce rôle en apparence trop grand pour lui, on pense qu'il risque d'aller au devant d'ennuis ne serait-ce que financiers... Mais c'est surtout en enfilant la veste en python du père (trouvé dans l'armoire d'icelui) que l’œil du mal risque de s'abattre sur lui : cet héritage, matériel (le bowling et l'appart du père auquel il est relié par un ascenseur), relativement bienvenu, semble aller de paire avec un éventuel héritage plus spirituel celui-là : la violence d'Armand, jusque-là apparemment contenue, va se déchainer et les cadavres (féminins) de s'amonceler comme des quilles... Le frère mène l'enquête mais perd également peu à peu les pédales (professionnellement, sentimentalement...) comme si le cauchemar se devait d'être vécu fraternellement...

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On est dans la noirceur (il faut attendre quasiment la moitié du film, me semble-t-il, pour qu'on voie enfin le jour) et dans la description de deux caractères tendus, imprévisibles (Armand, le "bâtard" dont les premiers ébats sexuels que l'on suit dégénèrent en un tour de main... Guillaume dont le boulot de flic semble avoir pris le pas sur tout le reste : il a une opportunité sentimentale mais il n'a de cesse de reculer le premier pas), déterminés. On aime ce côté brutal, sec, et ces atmosphères troubles lorsque tout devient possible en fin de soirées : le meilleur (la découverte de l'amour) comme le pire (le meurtre barbare). Ici, c'est plutôt la deuxième option qui est choisie : l'absence de mère, les activités passées du père (chasseur de gros gibiers) et cette présence post-mortem qu'il leur impose encore (Armand a hérité de son chien en même temps que de la troupe de chasseurs qui vient squatter le bowling certains soirs ; Guillaume doit également se coltiner les chasseurs lorsqu'ils dérapent face aux écolos), tout semble avoir favorisé ces pulsions soudaines de violence chez les deux frères - elle court en effet dans les veines de ces deux individus élevés côte-à-côte mais qui risquent, bientôt, de se retrouver face-à-face ; si pour Armand, cette violence est évidente (cette montée soudaine de rage face à ses proies féminines...), elle est moins prégnante pour Guillaume - elle finira malgré tout par émerger dans le dernier acte (sanglant ? sanglant). Mazuy nous la joue pur et dur au niveau de ce récit de famille qui baigne dans le non-dit et la haine et on apprécie à sa juste valeur ce petit côté jusqu'au-boutiste, sans psychologie de bazar, qui anime la chose. Strike noir.

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