Argentina, 1985 (2022) de Santiago Mitre

Voilà une œuvre de Mitre assez solide sur le fond, capable même, le moment fort venu, de faire venir sa petite larme d’émotion judiciaire, mais terriblement rébarbatif sur la forme : du cinéma parfait pour les Dossiers de l'écran ou pour un prix du meilleur film étranger (déjà le Golden Globe en poche, bientôt l'Oscar ?). Il est question ici du procès des responsables militaires du coup d'état en Argentine à la fin des années 70 : après sept ans de dictature et d'exactions diverses (kidnapping, tortures, meurtres à tout va et dans tout le pays), l'heure du procès a sonné ; la Grande Muette ne prononçant rien contre les siens, c'est donc à la justice civile de faire leur procès ; un petit procureur, fonctionnaire lambda a priori, est en charge de l'accusation. L'homme, un poil fébrile au départ et menacé de toute part, prend cependant vite les choses aux mains, constitue une équipe de petits jeunes motivés et c'est parti, en un temps record, pour rassembler un maximum de preuves contre ces enfoirés de militaires sans vergogne... Peut-il résister à la pression et aux menaces et finir par faire payer dûment ces intouchables ?

On assiste dans un premier temps à l'agitation de cette jeune équipe d'avocat qui bat la campagne pour rassembler des témoignages, à la cohésion qui prend forme dans cette équipe motivée et à la complémentarité entre le procureur et son jeune adjoint plus fin qu'il n'y paraît au premier abord : tout cela alors qu'une certaine pression (les menaces téléphoniques, les médias, le pouvoir politique nouvellement en place) pèse de plus en plus sur les épaules de nos hommes déterminés à faire avancer la justice. Mitre filme à hauteur d'homme, sans trop jouer la carte d'un suspense putassier (genre, une bombe risque-t-elle d'éclater à chaque plan ? non), mais sans non plus faire preuve d'une imagination délirante au niveau du filmage ou du montage. C'est propre et gentiment efficace. Dans la seconde partie, on assiste au procès avec des témoignages plus ou moins poignants en attendant ce fameux réquisitoire travaillé et retravaillé. Mitre, sans charger la mule et les effets de manche, livre une scène sobre qui finit au bout du bout par produire son petit effet (synonyme de décrochage de la timbale : politique + émotion = prix, on connaît la formule). C'est digne, assez intelligemment mené et interprété avec professionnalisme. Un bon film pour (et sur...) les années 80.