SERIE : Copenhagen Cowboy de Nicolas Winding Refn - 2023
Vous aviez trouvé que Too Old to die young, la (formidable) série précédente de NWR, était un poil trop barrée ? Vous n'avez encore rien vu, croyez-moi. Jetez un œil sur cette nouvelle expérimentation du bon Danois, et en dix minutes vous vous trouverez déjà sur une planète éloignée du système solaire. Une planète aux couleurs pétards et au rythme lentissime, hein, on connaît désormais le garçon ; mais une planète où on s'installe avec plaisir, conquis à la longue par cette atmosphère alanguie striée de temps en temps par un éclair de violence, un trait surréaliste, une invention formelle sidérante. Notons-le d'ores et déjà : cette série est beaucoup moins bonne que la précédente, et ce à cause en grande partie de son scénario. C'est un grand n'importe quoi, assez décousu, et on sent bien que le bougre s'est peu à peu désintéressé de son histoire pour ne plus se livrer qu'au délicieux exercice de faire du style et de vous en mettre plein les orbites. C'est dommage : même si on ne misait pas grand-chose sur cette histoire improbable dès le départ, on aurait aimé un peu plus de tenue dans la trame, et non cette succession d'épisodes tellement errants qu'on les dirait indépendants les uns des autres. Personnages flous et incompréhensibles, plein de débuts de trame qui ne sont pas achevés, des pistes qui se perdent dans la pyrotechnie, c'est très moyen côté écriture.
En même temps, c'est tellement écrit sous influence de drogue très très forte qu'on ne peut pas lui en vouloir. C'est le parcours d'une jeune file mutique aux pouvoirs magiques, qui se retrouve on ne sait trop comment dans le monde corrompu, violent et désespéré de la pègre serbo-danoise. D'abord engagé dans un bordel pour porter chance à la gérante, ensuite prise sous la coupe d'un tueur chinois, harcelé par un tueur monstrueux à moitié bouffé par des cochons, vaguement acoquinée à un moment avec le sbire d'un mafieux qui ne fera pas long feu, elle zigzague entre ces univers par la force de sa résistance passive, et de temps en temps de son talent aux arts martiaux. Car il ne faut pas chercher la belle : aussi gracile soit-elle, elle te vous envoie valdinguer de musculeux tueurs et du proxénète tatoué comme de rien. Madame est une femme forte malgré les apparences, et va se trouver confrontée à tout ce que le virilisme peut produire de plus néfaste en terme de domination, d'autorité, de clichés machistes. Copenhagen Cowboy est un film qui tente d'attaquer de front la domination masculine, et qui se veut après tout féministe : les personnages féminins prennent le devant de la scène, et le machisme est moqué lors de scènes plus ou moins fines (plutôt moins que plus), comme ce père mannequin se livrant à une apologie de sa bite. L'écriture franchement maladroite et le léger soupçon d'opportunisme dans le sujet plombe cette série, qui cache son vide derrière une forme impressionnante et sur-travaillée.
De ce côté-là, franchement, on aurait tort de se plaindre du trop-peu. La série est un festival très démonstratif de virtuosité formelle. On peut certes soupirer franchement devant ces roulades arrière, ces filtres fluorescents, cette caméra qui ne cesse de chercher l'angle le plus clinquant, ces plans tous hyper complexes, et surtout ce rythme étiré jusqu'au vide. Le gars abuse et sur-abuse de figures de style, comme ce panoramique latéral à 360° qu'il utilise à la moindre occasion et qui finit par fatiguer, ou ces dialogues exsangues où chaque réplique tombe après un quart d’heure d'immobilité. Le fait est que parfois aussi, ce style est efficient : les premiers épisodes fonctionnent sur la surprise de ces effets tous plus crâneurs les uns que les autres, et on rigole souvent devant l'invention de Refn, qui ne recule devant rien. Mais peu à peu on s'embourbe dans la forme pour la forme, on finit par voir les ficelles de la chose (les emprunts à Tarantino ou à Lynch surtout) et par se lasser sévèrement de la chose. Un film vide, prétentieux, brillant, oui, mais fatigant.