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8 janvier 2023

LIVRE : Le Drap d'Yves Ravey - 2003

Le-drapAvant d'être Yves Ravey, le brillant écrivain de polar dénervé et social, Yves Ravey était Yves Ravey, le brillant écrivain de chronique dénervée et sociale. En atteste ce Drap qui sort ces jours-ci en poche, et qui nous donne à voir un exemple de cette fameuse écriture blanche, factuelle, behavioriste, au service d'une indignation toute de fièvre. Le sujet de ce petit livre : un homme qui meurt, parce qu'il a respiré trop de produits toxiques dans son travail, parce qu'l est de la vieille école et qu'il refuse de consulter les médecins, parce que dans son milieu populaire on ne parle pas de la mort, on meurt. Chronique des derniers jours du père de l'auteur, lit-on en quatrième de couverture, mais surtout peinture au scalpel de cette rapide déréliction, qui vous chope un brave type travailleur dans le fleur de l'âge et vous le rend à l'état de squelette. Désarroi de l'épouse, mauvaise humeur du gars, observation impuissante des médecins, tout est décrit par de courts chapitres secs comme des coups de bambou. Visiblement ému malgré l'absence totale de pathos dans le texte, Ravey raconte, en parallèle avec l'agonie du père, quelques détails biographiques destinés à nous le rendre humain, familier : la pêche, le PMU, le bagnole... N'importe qui en aurait fait un mélodrame larmoyant ; Ravey nous rend une copie sans rature, raide, droite, ayant gommé toute trace de sentimentalité ou d'émotion, écrite en ligne claire, précise. Cette fulgurance sert à mettre en valeur les détails de cette agonie, de cette petite vie gâchée. Le "roman" (mais en est-ce un, tant on sent notre homme près de la vérité jusqu'à approcher l'os ?) ne se permet pas de larme, alors qu'elles coulent en sous-texte, et abondamment ; c'est au détour d'une annotation, d'un chapitre (magnifique chapitre final sur la mort de la mère, qui libère enfin l'émotion), d'un micro-détail, que le colère rentrée éclate enfin, et qu'on sent derrière cette écriture froide la douleur d'un écrivain. Très juste, ce texte des débuts d'un auteur qui se méfie toujours des grandes orgues, mais sait toujours être dans une authenticité totale.

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