L'Année du requin de Ludovic et Zoran Boukherma - 2022
Ah on l'attendait, ce maudit deuxième film des frères Boukherma, après le singulier et très réussi Teddy, et quand on a vu que c'était un film de requin, après le film de loup-garou, on commençait à se frotter les mains. Les gars réussissent à imprimer une marque hyper-française, très amateure, dans le cinéma de genre, et voir débouler un squale mangeur d'hommes dans le petit paysage quiet des côtes françaises pouvait donner des choses pas mal. Las, las, 90 minutes après, il faut bien se résoudre à la cruelle vérité : L'Année du requin est complètement raté. En voulant trop jouer sur le décalage, en voulant prolonger l'espèce d'humour sans drôlerie qu'ils avaient entamé précédemment, les frères réalisent un film sans nerfs, sans style, sans choix esthétique clair, et déçoivent. Jamais drôle, jamais flippant, jamais vraiment étrange, jamais tout à fait original, le film erre de tendances en tendances sans parvenir à trouver son ton. La seule trouvaille qui fonctionne ici réside dans le fait de mélanger les stars (Foïs, Merad, Zadi) et les purs amateurs, un peu comme dans un Dumont : certains jouent donc professionnellement, plus ou moins juste (j'y reviens), d'autres te balancent les répliques avec une sorte de faux jeu réjouissante, et le hiatus fonctionne. L'idée déréalise le film, le rend moins sérieux que ce que son scénario affiche, désamorce le danger en quelque sorte.
On nous raconte donc l'arrivée d'un requin dans une paisible bourgade touristique du Sud-Ouest, qui boulotte un adepte du paddle. A trois jours de la retraite, la gendarme Maja se retrouve investie de la mission de traquer la bête et de la chasser pour éviter d'autres morts. Au grand dam de son gentil mari, avec l'aide de deux autres gendarmes plus ou moins rodés, elle prend ce job de plus en plus au sérieux, devenant carrément obsédée par la traque du requin tueur ; d'autant qu'elle est la cible de la vindicte populaire après qu'elle a laissé une première fois la bête lui échapper. Le visage de Foïs s'allonge au même rythme que la liste des morts, la pression du maire, des commerçants et des vacanciers se fait pressante, c'est pas de tout repos. Les clins d’œil à Spielberg, bien entendu, sont légion et assez plaisantes, mais le film a quelque chose de bancal qui dérange beaucoup. Peut-être ces comédiens vedettes, qui semblent un peu se demander ce qu'ils fichent là (Foïs, très enlaidie, travaille sur une sorte de non-jeu très étrange ; Merad est complètement absent du film), peut-être ces feux gags qui ne deviennent jamais véritablement drôles, peut-être la valse hésitation entre pastiche et véritable hommage au genre : en tout cas, ça ne fonctionne pas, et si on ne s'ennuie pas complètement non plus, on regarde passer ça sans rien ressentir. A peine ça et là un comédien tout maladroit vient nous distraire, une jolie photo estivale vient nous flatter la rétine, une idée un peu folle (les deux frères vengeurs affublés d'un nez postiche énorme) vient nous rappeler la fantaisie des Boukherma, mais le résultat est assez piteux, très maladroit. Les brothers n'ont définitivement pas trouvé le ton juste ici, et hésitent trop entre plein d'options. Mais on leur fait confiance pour la suite, qu'on attend néanmoins avec impatience.