Barbare (Barbarian) (2022) de Zach Cregger
On se dit, tiens, c'est Halloween, là, bientôt, cette fête de merde américaine, et si on se tapait un film d'horreur de merde ? On s'oriente vers un nouveau truc et un titre qui nous semble a priori fendard (Barbare, ça sent plus la transpi que Choupi) et c'est parti pour une éternelle resucée des codes de l'horreur au cinoche. Ici, tout part d'une location Airbnb où un jeune homme et une jeune fille se retrouvent le même soir... Le locataire de l'appart est forcément injoignable, que faire ? La fille soupçonne forcément le mec d'être un violeur potentiel, c'est la norme dorénavant, mais pas du tout, gosh, le type est une espèce de marginal, dans nos temps modernes : il ne viole pas et respecte même les femmes (il lui propose le lit principal et lave les draps : la grande classe mais en attendant, on s'emmerde nous). On s'attend à un revirement de situation dans la nuit... une porte qui grince, notre jeune homme qui cauchemarde et là... pfiuttt, nib. Je sais l'ami Gols m'expliquerait doctoralement (en consultation publique le 2 novembre dans sa ville d'adoption pour les fans) que l'intérêt de tout film d'horreur qui se respecte, c'est justement ça, l'attente, la tension qui monte... Seulement là, la tension, elle monte pas, juste en nous (C'est quoi ton film d'horreur de merde ? trouve bon alors de dire alors ton associée dans la vision de la chose). Ça viendra, ça viendra, la maison, dans la journée suivante, montre ce qu'elle recèle de caves, de chambres glauques, d'escaliers souterrains qui s'enfoncent dans la nuit, et qu'au bout du bout du bout, il y a sûrement une créature tapie dans l'ombre qui GRRRROOOOOAR... Mouais... Cregger dégoupille vite son petit jump scare en nous ramenant en pleine journée, sur l'autoroute : il s'agit d'introduire une troisième personne, le locataire, qui va forcément se diriger vers ladite maison de l'horreur... Bref, il nous restera le dernier quart d'heure pour sursauter - dommage, on dort déjà (Bon, je n'ai pas dormi, promis, mais je ne me rappelle plus la fin : j'en avais tellement rien à foutre que cela ne m'a en rien marqué). Pistes inutiles, éléments laissés en cours de route, scènes pathétiques (un biberon ?)... J'aurais mieux fait de me taper un épisode de Babar, c'est pus terrifiant en son genre. (Shang - 30/10/22)
Films d'Halloween chapitre 3. Holala pas si vite : il serait dommage de passer à côté d'un film d'horreur INVENTIF, bien joué et subtilement mis en scène, Shang ne se rend pas compte du trésor que ça constitue. Attention, je ne hurle pas au génie, et j'ai bien conscience que Barbare, au final, est un peu décevant. La faute à une trame générale pas bien finaude, et à une façon de pratiquer une sorte de psychologie pour les neuneus très adolescente pour le coup. Difficile de parler du film sans en dévoiler les rebondissements, mais cette histoire de mère esseulée transformée en monstre par manque d'amour est un peu appuyée, même si très touchante. Il est vrai aussi que pour arriver à nous surprendre, Cregger est forcé de filmer une première demi-heure très convenue, au risque de nous perdre. Hitchcock, dans Psycho (modèle du film au niveau des ruptures de ton), avec le même obstacle avait réussi à rendre captivantes même les scènes "fonctionnelles" du début. Ici, c'est assez chiant, malgré l'abattage des deux comédiens. Comme le dénouement n'est pas bien malin non plus, on peut trouver que le film est bien quelconque et manque d'invention.
Non, ce qui bluffe le plus là-dedans, c'est l'écriture, alliée à une mise en scène vraiment intéressante. Le film est constamment surprenant, et je vous défie d'en deviner le déroulé. On est sans cesse bouche bée devant ces ruptures dans la trame, qui, d'un simple suspense domestique (le locataire de l'appartement est-il un serial-killer ?) parvient à un film de monstres classiques. Le jeu auquel se livre Cregger, qui s'amuse comme un fou à nous mettre systématiquement sur la mauvaise piste, nous faisant attendre ici un danger qui finalement arrivera là, est franchement jouissif. D'autant que, très au courant des motifs habituels du genre, le gars jongle également avec les clichés éternels du film d'horreur : portes qui grincent dans la nuit, couloirs humides et sombres, miroirs dans lesquels on s'attend toujours à voir un monstre... Il sème dans son film des tas de passages de films d'horreur inévitables (la chambre glauque avec une caméra, la prison souterraine, les caves à la Rec, le couloir shiningien...) pour mieux nous amener complètement ailleurs. Rien de ce que le spectateur lambda de ce genre de productions attend n'arrivera, et ce plaisir simple et enfantin de se laisser surprendre ne m'était pas arrivé depuis longtemps en regardant un film d'horreur. La surprise et le choc étant le programme de Barbare, on est également bluffé par sa violence qui arrive comme autant d'électro-chocs inattendus das la trame. C'est plus la surprise que le gore lui-même qui vous attrape. Et encore une fois, le talent de cette comédienne (Georgina Campbell) en rajoute dans la brutalité du film : on est avec elle, complètement. La caméra semble toujours au plus près de ses réactions, qui pour une fois semblent naturelles dans les situations où elle est plongée. La mise en scène est en quelque sorte empathique, ce qui là aussi est une grande nouveauté là où les autres films d'horreur ne cherchent que l'efficacité et l'effet facile. Enfin, dernière beauté du film : son ancrage politique. Non seulement il traite de sujets contemporains bien réels (MeToo, le capitalisme grimpant) mais il est surtout situé à Detroit, ville sinistrée qu'il utilise très intelligemment : maisons délabrées, clochardisation des habitants et misère sociale sont les outils du suspense. Autant de qualités qui font qu'on aurait franchement tort de faire la fine bouche : voilà indéniablement le film d'horreur le plus intelligent de l'année. Il n'y en a qu'un tous les ans, autant l'applaudir... (Gols - 17/11/22)