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19 octobre 2022

LIVRE : Flash ou Le grand Voyage de Charles Duchaussois - 1971

9782253000143, 0-865305Il y a les récits de voyage faits depuis un train grand standing, qui relatent les observations bourgeoises de tel ou tel écrivain sur les curiosités pittoresques de l’étranger ; et puis il y a Flash de Charles Duchaussois, qui, loin des circuits touristiques et des clichés tout cuits, ramène de son périple en Inde et au Népal un récit hallucinant et unique. Franchement, je n'ai pas le souvenir d'avoir lu un livre aussi marquant, aussi cru, aussi franc, aussi honnête, sur ce fameux voyage à Katmandou effectué par maints hippies dans les années 60-70, cette sorte de Graal pour tout drogué qui se respecte. Vous en étiez resté au joyeux folklore et aux gentilles expériences exotiques liées aux fantasmes de votre adolescence bercée aux joints ingurgités dans l'arrière-cour du lycée ? Lisez ça, ça devrait vous calmer un moment. Duchaussois a été un des premiers à vraiment entreprendre la route. Armé de sa seule audace (qu'il a importante), de sa curiosité (qui est immense) et de sa soif de découvrir le monde (qui semble infinie), il part donc pour la ville mythique, en passant par Marseille, Istanbul ou Bénarès, autant de villes dont il ramène mille anecdotes et récits d’aventures qui pourraient faire à elles seules tout un livre. Ce parcours géographique se fait en parallèle avec un parcours personnel, bien entendu : en même temps qu'il découvre ces pays, il découvre le sexe, les petits trafics et surtout la drogue, qui devient le pivot de sa vie. On suit hébété ce cheminement des premiers shiloms à la consommation effrénée d'héroïne, dans une sorte d'effroi mêlé à une admiration totale. Car le gars a tout essayé pour se niquer la tête, de l'opium à l'héro, de la coke aux amphètes, du meth aux gros pétards. Il en rapporte un compte-rendu très rigoureux, écrivant sur les méfaits et les avantages de chaque drogue, avec une crudité effarante. Il ne cache rien de la joie totale qu'il y a à fumer une pipe d'opium ou à se faire un shoot, et il ne cache rien non plus de l'état d'épave dans lequel ça vous met. Qui, à l'époque, savait aussi bien écrire sur l'expérience de la drogue, depuis l'intérieur pourrait-on dire ? Flash est avant tout un compte rendu précis là-dessus, et rien que pour ça il constitue un témoignage extraordinaire.

Mais c'est aussi un témoignage (et quel) sur ce qu'étaient les fameux hippies à l'époque, c'est-à-dire dans la paire d'années qui a vu leur avènement, à l'heure où ils n'étaient pas encore les vedettes de Benetton ou un poster sur un mur d'ado. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que le portrait de cette petite société qu'en tire Duchaussois est tout sauf idyllique. Il décrit ce monde d'enfumés comme un monde complètement décadent, où les vœux de bonheur du début se sont transformés en lutte pour la survie, où la plupart ne reviennent pas de leur trip et meurent comme des chiens dans leur crasse et leur misère. L'auteur ne s'exclut pas de la masse, au contraire : il est d'une effarante lucidité sur cette parenthèse de sa vie. Débarqué à Katmandou la bouche en cœur, ses aventures et ses expériences narcotiques l'emmèneront là où aucun être humain n'est allé. Et n'en a ramené un tel récit. La déchéance du type est analysée avec beaucoup de franchise, on sent littéralement l'aiguille piquer la peau, le cafard courir sur la cuisse, la maladie gangréner le corps. Le livre est constitué de centaines d’anecdotes franchement toutes plus édifiantes l'une que l'autre, depuis une séance de photos de cadavres dévorés par les vautours jusqu'à un périple pour aller mourir dans la montagne, depuis l'opération d'une oreille avec les outils du bord (immonde) jusqu'à un imbroglio judiciaire indémêlable, depuis la paranoïa aiguë du type jusqu'aux trahisons de ses potes. Toujours, c'est la drogue qui est responsable de tout ça ; si Duchaussois n'en nie pas les beautés (qui d'autre a dit que la drogue, c'est avant tout bon ?), il nous met la tête dans le seau quand il en décrit les horreurs, psychiques, physiques, morales,... Mais il ne se fait jamais moraliste, ne nous dit jamais "ne faites pas ça" ; il raconte simplement, dans une langue cristalline et débarrassée de toute afféterie, une descente aux enfers, ternissant le tableau idyllique du Peace & Love woodstockien. Un vrai chef d’œuvre, passionnant et glaçant.

Commentaires
A
Vous m'avez donné très envie de le lire et je l'ai commencé plein d'entrain. Je me suis cependant assez vite refroidi quand il décrit au bout de 15 pages comment il se tape une petite libanaise de 14 ans. Bon.
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S
Ce "Flash" semble effectivement avoir une valeur documentaire, mais Barjavel avait déjà raconté tout ça (les hippies crasseux dépérissant dans ce mouroir à ciel ouvert) dans ses "Chemins de Katmandou". Quant à cette "séance de photos de cadavres dévorés par les vautours", ne s'agit-il pas tout simplement d'une "inhumation céleste", très pratiquée au Népal ou au Tibet ?
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