Scream de Tyler Gillett et Matt Bettinelli-Olpin - 2022
5ème série d'assassinats sauvages pour notre tueur masqué, et première sans la réalisation de son regretté géniteur, Wes Craven : on avait adoré la trilogie primitive, moins le tardif retour de 2011 ; qu'en sera-t'il de cet avatar 2022, réalisé par deux inconnus au bataillon ? On redoute comme le choléra cette mode de "renouvellement" des grands films d'horreur du passé, autant dire qu'il va falloir du talent pour nous convaincre. Surprise, les enfants : c'est franchement pas si mal. Les auteurs ont de toute évidence vu les films de Craven, en ont tiré de la graine, et nous livrent une suite/ersatz/remake qui n'a pas à rougir dans la lignée (et qui serait même un poil supérieur au 4). Le maître-mot de la saga : le méta. Gillett et Bettinelli-Olpin l'ont compris, en construisant un complexe scénario qui revient une nouvelle fois non seulement sur les grands classiques du cinéma d'horreur, mais aussi sur les précédents opus de la série eux-mêmes. Les ados de Scream 2022 n'ont pas vu, ou mal les premiers épisodes, abreuvés qu'ils sont de Mister Babadook ou de Sinister. Les films de Craven (rebaptisés Stab comme d'hab) sont carrément frappés de ringardise. Pas pour le tueur qui se met à nouveau à planter son coutelas dans toutes les poitrines passant à sa portée : lui est fan, et a entrepris de refaire le premier opus, le meilleur selon lui, en trucidant des jeunes gens et en forçant les anciens protagonistes à refaire surface. Au programme, donc, tout un réseau de film dans le film dans le film, à la grande joie des aficionados qui se complairont aux mille clins d’œil, et même des nouveaux venus, qui trouveront là de quoi titiller leurs neurones, chose rare dans le genre (un des personnages du film est d'ailleurs très amoureux des films d'horreur intellos et sociaux qui fleurissent de nos jours).
On peut voir donc quelques scènes assez réjouissantes, comme cette jeune fille regardant en hurlant une scène de Scream 1 où un ado regarde en hurlant une scène d'Halloween, alors que la même scène se déroule dans son dos (l'effet Vache-qui-rit est immédiat) ; ou ces longues considérations sur les règles éternelles des remakes de films d'horreur, qui prolongent les mêmes discours dans les autres épisodes, règles qui bien entendu vont se vérifier dans les minutes qui suivent ; ou cette scène d'ouverture, désormais incontournable dans la saga, d'une jeune fille seule dans une maison répondant à un questionnaire meurtrier au téléphone (variation sur le même thème). Même si tout n'est pas égal là-dedans, même si nombre d'idées ne sont qu'évoquées et vite sacrifiées au tout-spectacle, on apprécie que les auteurs aient voulu eux aussi travailler sur cette thématique du méta-langage, et aient saisi que Scream, c'est de l"humour et de la peur trempés dans un bain de jeu cinéphile avec le public.
Bon, après c'est vrai que pour tout le reste, c'est beaucoup moins enthousiasmant. Notamment dans la mise en scène : les scènes de meurtre sont franchement nulles, là où celles de Craven étaient d'une invention diabolique. Là, ce mec masqué, qui n'a plus aucun charisme, se contente de cribler de coups de couteau d'innocentes et piaillantes victimes, mais la tension n'y est jamais. Les réalisateurs ont beau s'amuser avec le public jouant sur les fausses apparitions supposées du monstre ; leurs victimes sont trop fades (et campées par des acteurs trop nazes) pour qu'on tremble le moins du monde. Quant aux héros des précédents opus, ils apparaissent fatigués et sans gnaque. Quand ils veulent plaire aux fans de gore, nos deux compères oublient la chose qu'ils ont en main, et servent un slasher ordinaire et commun. Bien écrit, mais mal exécuté...