La Révolte (San Quentin) (1937) de Lloyd Bacon
On vous la mitonne petit à petit cette odyssée Bogart... Bogart est encore alors tout jeune, 38 piges au compteur, n'est pas encore une vedette, mais construit son personnage... Oui, le gars a du caractère, oui le gars a le coup de poing de facile, oui le gars est caustique mais il est encore bien naïf, l'Humphrey, et on sent encore ô combien ici notre homme n'est pas parvenu à asseoir totalement son personnage, sa future légende. L'histoire, elle, est dès le départ, un peu tirée par les cheveux. Vous êtes militaire, vous vous engagé comme gardien de prison, vous tombez amoureux d'une femme (Ann Sheridan, j'ai rien contre) et voilà que, putain, par le plus grand des hasards, non seulement le frère de la fille est un malfrat et que paf vous en écopez dans votre prison... Au début, vu que la femme n'aime pas trop les responsables de prison, vous fermez un peu votre clapet... Mais forcément, un beau jour, alors même que vous commencez à flirter délicieusement avec la donzelle, elle débarque dans votre bureau ! Quoi, comment ça, c'est toi qui !... Vous, gardien de prison honnête et droit, vous la jouez ferme : ton frère, je vais le remettre sur le droit chemin ; vous risquez de passer auprès de vos collaborateurs comme auprès des prisoniers pour un type qui fait du favoritisme, pas de problème, vous êtes sûr d'être dans votre bon droit... jusqu'à ce que cette tête de noeud de Bogart mette tous vos plans en l'air...
Bah c'est du petit film moyen avec cours de prison bondée, jeune femme touchante, gardien idéaliste (mais droit) et dérapage incontrôlable... Notre gardien, Pat O'Brien, on voit bien depuis le départ qu'il est un peu trop sûr de son fait. Il veut gagner sur tous les plans, la droiture, la justice, l'amour et faut pas trop déconner non plus. Notre Bogart, on sent qu'il pourrait se la couler douce, mais penses-tu, tête de lard et susceptible comme il est, on sent qu'il risque au moindre coup de vent de partir droit dans le mur, ou tout du moins au-dessus : alors que la rédemption lui tend les bras, il joue les hôtesses de l'air ; et ça sent forcément pas bon... On a le feeling dès le départ que cette romance entre une chanteuse de charme et un garde-chiourme est un peu forcée, téléphonée... Deux êtres un peu trop plan-plan sur le papier pour ne pas être, bienheureusement, pris de court par le sanguin Bogart. Boggie donne du coup de point, rechigne du collier, part en quenouille, c'est la moindre des choses que l'on pouvait attendre de lui dans ce film de prison qui manque makgré tout un peu de nerfs... Un rôle de transition, dira-t-on, dans une œuvre signée Bacon sans graisse, qui ne démérite point trop mais sans grande saveur non plus.