Clara Sola (2022) de Nathalie Álvarez Mesén
Alors que le Costa Rica joue aujourd'hui même sa place en coupe du monde (on ne peut pas me reprocher de ne pas chercher à varier mes intros...), il serait dommage de faire l'impasse sur une autre richesse locale : le cinéma... En effet Nathalie Álvarez Mesén nous vient de ce pays d'Amérique centrale qui n'est pas vraiment sur-présenté en ces colonnes ; c'est sans doute bien dommage car cette œuvre parvient à mêler avec une certaine grâce et une vraie originalité la nature, le merveilleux et le corps féminin... Un corps féminin pour le moins entravé puisqu'il s'agit ici de celui de l'héroïne, Clara, victime d'une sorte de scoliose et traitée sans trop d'égard par ces proches : limitée dans ces mouvements, elle semble aussi être considérée comme étant limitée au niveau de son esprit ; faisant des crises, ayant une certaine propension à la masturbation, sa mère en particulier la considère surtout comme une personne à charge ; sa seule capacité que la mère exploite, c'est son aura pour soigner les personnes dites incurables. La madre n'hésite pas à organiser des séances de prières publiques avec sa fille comme ersatz de sainte-vierge... Amen. Bref, pas fun. Mais Clara, elle, s'ouvre peu à peu au monde ; capable de communiquer, d'être en harmonie avec cette nature (des insectes à ce cheval blanc en passant par la forêt), Clara va également connaître un véritable éveil affectif en se rapprochant du petit copain de sa petite soeur ; ce dernier, au départ simplement bienveillant, est bientôt plus troublé qu'il ne le souhaiterait en compagnie de cette femme... pour le moins troublante... Reste à savoir sur quoi débouchera cette "relation"...
Mesèn nous fait pratiquement tout partagé par l'intermédiaire de cette femme et nous plonge peu à peu dans une atmosphère saturée de nature et de désirs enfouis. Si elle passe pour une guérisseuse (de pacotille ou pas ? nolo so) auprès des autres, c'est sans doute parce qu'elle a des dons véritables pour communiquer avec cette nature muette : capable de calmer un cheval par le ton de sa voix, de ressusciter un insecte (j'en voudrais pas comme épouse, croyez-le), de sentir pleinement les ondes de cette nature environnante, Clara est définitivement un "être à part" - mais non en tant que personne "un peu dérangée" comme voudrait le faire croire sa mère mais plutôt comme une personne "ultra-sensible". Cet éveil à la sensualité dans ce corps d'adulte est montré par la cinéaste avec beaucoup d'innocence et de tact, comme s'il s'agissait ni plus ni moins de l'éveil amoureux d'une adolescente. Dans ce climat étouffant, au sein de cet entourage pas toujours très compréhensif, Clara va malgré tout tenter de trouver sa propre voie sentimentale - ce qui va forcément exacerber sa sensibilité... Joli portrait tout en nuances d'une femme qui a résolument plus de facilité pour communiquer avec la nature qu'avec le genre humain (d'où sans doute ce petit côté marginal...). Parviendra-t-elle à se fondre avec la nature ou avec la nature humaine, la question est posée et sera résolue de façon toute poétique. Une œuvre toute en charme étrange, torve et doux. Le Costa Rica ? Zaï zaï zaï.