Arthur Rambo (2022) de Laurent Cantet
Voilà un film qui m'a laissé totalement pantois, abasourdi, démuni... Après 90 minutes d'introduction le générique tombe et on se demande si Cantet n'a pas surtout essayé, en évoquant cette histoire de réseaux sociaux tout puissants, de nous prendre pour des jambons... L'histoire est pourtant simpliste : un gars de banlieue, Karim, après la parution de son bouquin (sur sa mère) et son passage dans une émission littéraire connaît un succès certain, celui des élites, de la jet set culturelle parisienne. Il est au top, les réseaux, des fans de tout bord, le couvrent de louanges. Le même soir, un quidam déterre certains tweets du passé d'un certain Arthur Rimbaud alias Karim : antisémitisme gras, grossophobie, mysoginie, tout y passe - en quelques clics le type passe d'élu à banni. Ok. Et puis ? Merde en résumant les cinq premières minutes j'ai aussi dévoilé la fin... Bon reprenons, et ne nous faisons pas plus sot qu'on en a l'air... Karim va tenter d'expliquer ces tweets : oui, il a les a bien écrits, mais c'était du 3ème degré, de la provoc à l'extrème, en tout cas, bon voilà, ça plaisait à ses proches, désolé, oublions... Et ? Putain, vous avez pas compris ? Bon, moi non plus je vous rassure. Donc oui, quoi, avant il a écrit ces trucs, cela l'a fait connaître, il a même fait une web tv dans la foulée pour parler de la banlieue, voyez, c'était ça surtout l'idée... Oui, mais bon, ces tweets, bordel, c'est quand même ras-des-pâquerettes, pour ne pas dire à gerber comme un film de Cornillac, et très très antisémite ? Oui, mais merde, c'était le passé, maintenant c'est bon, il a fait un bouquin que tout le monde salue, c'est ça l'essentiel, non ? Euh Non. Et donc ?... Ah putain, je m'embrouille et je comprends absolument pas sur quel chemin Cantet, qui illustre là un simple fait divers, nous mène. Gols dirait, il illustre, quoi. Ça va, j'ai compris mais... Bon, je m'enfonce. Heureusement, ma douce, toujours prête à vouloir me sortir du désarroi, me souffle l'idée que voilà, un type de banlieue, par définition, ne peut parvenir à plaire à deux mondes à la fois. Il a réussi dans son monde avec ses armes (lourdes), il réussit dans celui de "l'élite culturelle" avec, toujours, ses propres capacités, sa sensibilité - mais voilà, ce grand écart se révèle quelque part impossible, intenable : si lui a su gérer cette "schizophrénie" de la posture, la société, via les réseaux sociaux, cet amplificateur infernal, ne peut rien laisser passer. Oui, c'est pas bête, mais pourquoi, bordel, Cantet ne creuse pas ce sillon d'appartenance de classe de façon un peu plus profonde, pour ne pas dire couillue ? Ben, il illustre le truc, quoi, et n'a peut-être pas eu envie de se casser la tête tant le sujet est... complexe ?... Ok, mais alors c'est franchement idiot d'avoir autant de matière (fachosphère, rapidité des réseaux, société du jugement qui vous fait passer de héros à zéro en un clic d'oeil, monde des banlieues dont il est si difficile de s'extraire, etc...) et d'en faire ce truc aussi plat. Comme dépassé par son propre sujet, Cantet, que l'on a connu plus vaillant, ne se mouille pas, ne nous donne aucune clé, aucun élément psychologique pertinent sur son personnage principal, "illustre", sans forcément chercher ou donner à penser, comme si son sujet se suffisait en soi. Un film qui m'a laissé hébété, consterné, sur la route...