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23 mai 2022

LIVRE : Lettres à des Amies de Louis-Ferdinand Céline - 1979

C_Lettres-a-des-amies_4602Je me suis dit, tiens, allez, en attendant, un peu de correspondance célinienne (concentré sur les années 1933 à 1939 même si certaines lettres vont un peu au-delà), ça ne peut pas faire de mal. Parce que ce sont bien sûr les années qui ont suivies la parution du Voyage (une pluie d'emmerdes, sans parler de ce Goncourt qui lui échappe - la gloire, il s'en fout, mais la thune du prix...), qui couvrent l'écriture et la parution de Mort à Crédit (qu'il a semble-t-il plus travaillé (je suis assez d'accord) et qui a beaucoup moins marché) et celle de Bagatelle pour un Massacre, ce pamphlet antisémite qui aura... mon dieu, un certain succès, mais lui signera, on le sait, le début des gros problèmes... On ne cherchera jamais à excuser Céline sur ces écrits ignobles, on a d'ailleurs déjà bien du mal à les comprendre (il hait l'humanité, pourquoi tout d'un coup déverser son venin sur les Juifs, les Francs-maçons et les communistes ?), mais on ne peut s'empêcher d'avoir l'impression, qu'à force de vouloir chercher les embrouilles, les ennuis, il a décidé un jour, dans ses écrits, de plonger les deux bras en avant, histoire d'aller au plus profond, dans un seau à merde... Parce que, sinon, franchement, en terme d'idéologie pure, on ne peut pas dire que ses réflexions aillent bien loin, qu'il cherche même à les approfondir, à les défendre... Il est content du succès de Bagatelle mais plus au niveau des ventes que sur une quelconque reconnaissance de sa pensée... Pensait-il vraiment toutes les horreurs qu'il a écrites ? "Je n'ai pas d'opinions. Il n'y a pas d'opinions. L'eau n'a pas d'opinions". On aimerait croire que non devant un tel constat... Malheureusement, il s'est complu dans ce côté rance et idiot à plusieurs reprises... Mais bref, on ne refera pas l'histoire, son histoire, d'autant qu'ici il est question, en premier lieu, des femmes ; des femmes qu'il a aimées, qu'il a courtisées, qu'il a conseillées, le plus souvent des amies qu'il prenait plaisir à revoir en Belgique, en Allemagne ou encore au Danemark : des étudiantes allemandes ou juives (ben oui, il pourrait faire aussi sa Morano), des danseuses, des pianistes, des écrivaines en herbe... Des femmes diverses et variées, qu'il sait toujours conseiller des plus finement : ainsi ces propos culturo-hygiénique : "Mais gardez votre santé. Pas d'amour sans préservatif, ou ALORS PAR DERRIERE. Cultivez-vous aussi, du côté de la littérature et du théâtre si c'est un moyen de réussir. Surveillez les Hitlériens mais attention, lisez-bien les journaux, ne soyez pas paresseuse", ou simplement idéo-sexuels : "Dans la vie future il faudra des idées et des cuisses et du vice aussi." Un homme prévenant en quelque sorte, protecteur souvent, et un poil égrillard aussi, true.

Certes, il y a sans doute dans ces lignes moins de fulgurances, de phrases chocs que dans son œuvre, forcément, mais on découvre tout de même quelques éclairs de lucidité vachards dans lesquels on retrouve tout l'optimisme inné de notre homme : "Si on se laissait aller à aimer les gens qui sont gentils la vie deviendrait atroce" ou encore : "Toute l'épaisseur de notre malheur nous sépare des moindres vérités, des plus tranquilles joies. Nous sommes voués à l'ennui. Notre vie n'est qu'une mort sans élan." Notre vie n'est qu'une mort sans élan, aaah, quand même, il y a là-dedans un petit côté pur jus célinien qu'il est bon de savourer... Le type est souvent amer, se plaint, de son manque d'argent, de son manque de reconnaissance, de ses maladies, de son travail de merde mais n'est jamais non plus le dernier pour livrer quelques sentences aux allures auto-destructives : "Il faudrait que je m'oublie pour oublier. Que je me laisse moi-même quelque part dans un champ sur le fumier. Je ne suis plus qu'un espèce de cauchemar qui marche et qui ne tient plus beaucoup à continuer de vivre." On sent notre gars, à peine parvenu à la quarantaine, déjà usé, sans illusion, sans véritable joie de vivre... Seules, apparemment, les femmes parviennent encore à le sortir de sa torpeur, et sa façon de proposer le mariage à tout va à une femme qui simplement lui plaît révèle un petit côté chamallow qui ferait presque marrer... Céline et ses danseuses... Les femmes, donc, et Brueghel qui semble l'un des seuls artistes à trouver grâce à ses yeux. Par ses lettres, on touche à une certaine intimité célinienne qui n'est pas pour autant sans rappeler toute la noirceur de ses romans, ce côté mortifère de la plus belle eau... Allez, pour la route, un dernier petit mot d'encouragement positif pour reprendre un peu d'ardeur : "Quand vous arriverez à mon âge, le plus tard possible ! (le plus tard possible, excellent quand même...) vous ne comprendrez plus que l'essentiel. Tout est poussière en suspens Evelyne. Regardez bien un cimetière. Il contient tous les mots, toutes les passions, tout." Céline, ce boute-en-train.

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