Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
15 juillet 2022

Ennio (2022) de Giuseppe Tornatore

vlcsnap-2022-05-21-10h50m42s643

Ah ben ça, je pensais pas que j'allais me retaper un jour un truc de Tornatore... Bon, bienheureusement, c'est un doc, un doc sur le plus grand des maestri, le plus talentueux, le plus prolifique, le Mozart du XXème siècle comme le disait Tarantino connu pour son sens de la mesure, Morricone... J'ai rarement l'occasion de m'épancher, c'est vrai, mais il y a douze ans, presque jour pour jour (c'était mon anniversaire, je m'en souviens parfaitement, tiens donc), j'avais eu la chance, grâce à l'ami Bastienne et la gâte Fédé, d'assister, lors de l'expo universelle de Shanghai (j'en fais trop ?), à un concert, en la présence bien sûr, d'Ennio... mille violonnistes au moins, des instruments à foison, une gabegie de choristes... Je me souviens m'être évanoui quand il a entamé les premières notes d'Il était une fois en Amérique et de m'être réveillé de ce rêve mélodieux avec de la bave sur ma chemise blanche. Bon, on va aussi, ne partez pas, parler de ce doc... J'y viens... Morricone, que Tornatore ressuscite pour la peine (tout comme d'ailleurs Bertolucci, Wertmüller... et d'autres qui sortent du placard comme Wong Kar-Wai, Oliver Stone, Eastwood, Malick, Joffé... où on les avait soigneusement rangé) va revenir sur plus de soixante ans de carrière, du conservatoire à la musique du film pour Tarantino disons, en passant par les 500 autres musiques de film, enfin les plus connues, c'est-à-dire au moins 400... On pourrait penser que, sur 2h40, la chose serait un rien rébarbative... ces éternelles interviews avec des petites phrases pleines de compliments subjugués, ces extraits de films incontournables qu'on connaît par cœur, ces anecdotes à deux balles... Il n'en est rien ; les interviews sont des condensés d'avis pertinents, on redécouvre certains films oubliés et Morricone n'est jamais avare en petites histoires intelligentes sur la création de telle ou telle musique, autant d’anecdotes qui pour le coup font toujours sens. Bref, on ne s'ennuie pas et on regarde le truc souvent totalement hébété devant la créativité du gars (d'autant qu'on est une quille, musicalement parlant), de voir un Morricone expliquer le pourquoi du comment d'un air (un type qui déplaçait une échelle en bois lors d'un concert... et cela donnera l'introduction tout en bruits d'un film de Leone (vous voyez forcément lequel), une manif dans la rue et trois bruits mélodieux qui lui restent en tête et lui permettent d'écrire toute la musique d'un film...), revenir sur sa façon d'introduire des instruments inattendus dans des orchestres symphoniques, chanter de sa voix cassée mais avec un sens du rythme époustouflant un air mythique, exposer sa façon d'introduire un thème, puis un autre, puis un autre (la création de la musique de The Mission, j'ai fini les bras en croix), s'épancher sur sa complicité avec Leone (les deux, le croyez-vous, quand ils se mirent à travailler ensemble, se rendirent compte qu'ils avaient été camarades d'école, incroyable... c'est dingue même).

vlcsnap-2022-05-21-10h52m53s573

vlcsnap-2022-05-21-10h59m14s486

Bref, c'est franchement passionnant de bout en bout et on se dit que ce touche-à-tout (de la musique expérimentale à la symphonie), ce type qui s'est constamment réinventé en changeant constamment de direction, cet arrangeur de génie (le premier, l'homme à l'origine de tout ?), ce musicien capable d'écrire toute une partition dans sa tête, devant un piano, sans jamais toucher le piano, était indéniablement un grand... Comme le dit Zimmer (oui, bon, vous savez le gars qui pourrit tous les films avec des percus), une note de Morricone et on sait que c'est du Morricone - tellement chacune de ses partitions est imprégnée de son style, de son implication, etc... Le musicien qui sait donner de la profondeur, de la vie, du sens, à une image... prenant ainsi le contre-pied d'un Bresson si je peux me permettre une petite réflexion... Quand on voit, sur la fin, toutes ces foules se lever, lors d'un remise de prix ou d'un concert gigantesque en plein air, face à ce petit homme tout humble, qui remercie en penchant la tête comme un élève docile, timide, on est, et je vous le dis sans ambage, sans honte, tout ému (salopiot de Tornatore qui est enfin parvenu à m'arracher une larme à la loyale). Incontournable pour tout fan du sieur (mais qui ne l'est pas ?) ? Tout à fait Jean-Michel.   (Shang - 21/05/22)

vlcsnap-2022-05-21-10h58m47s921


Tout aussi emballé que mon camarade par ce documentaire passionnant et monté au taquet, qui fait le tour en 2h40 de la foisonnante carrière du gars (ah tiens, il manque la BO du Professionnel et de Peur sur la Ville, pourtant des classiques, Tornatore connaitrait-il mal le cinéma français des années 80 ?), depuis les fabuleuses premières chansons de variété qu'il arrange avec une audace confondante jusqu'aux dernières énormes pièces symphoniques (moins fan, pour le coup) de la fin. Si on enlève la demi-heure d'hagiographie fatigante (c'était un demi-Dieu, l'équivalent de Beethoven, sa présence irradiait, il a sauvé le monde à maintes reprises, ce genre de finesse), surtout concentrée sur la fin du film qui n'en finit plus du coup, on a là un modèle d'intelligence formelle. Le plus intéressant, effectivement, est de voir notre homme se remémorer la construction parfois très complexe de ses musiques, le montage de Tornatore accompagnant le travail de Morricone : le split-screen pour exprimer les "couches" de thèmes, les très gros plans quand on touche à un des thèmes historiques (la façon de composer la musique de Le Bon, la Brute et le Truand), le montage mensonger, koulechovien, mais efficace montrant la petite tête toute fière d'Ennio quand il a réussi à toucher à la magie pure (le cortège dans Allonsanfan).

23383275lpw-23383757-article-jpg_8870530_660x287

On a l'impression très forte de pénétrer dans la tête du compositeur, et en découvrant comment il a composé ses musiques, d'en savoir un peu plus sur son monde intérieur : la larme facilement à l’œil, le gars se montre étonnamment nostalgique, amoureux fou de sa discrète femme, exigeant jusqu'au dénigrement (peu de ses musiques lui conviennent vraiment), ne supportant pas pour autant d'être mélangé à d'autres compositeurs, un mélange de vanité et de défaitisme, de mépris pour ce travail de musicien de film et de pleine conscience de son génie. Le film est long, certes, mais il fallait bien ça pour nous refaire écouter la somme faramineuse de tubes que le gars a créés : on traverse toutes ses inspirations, des plus populaires aux plus pointues, et le docu n'oublie pas aussi de nous montrer l'artiste en proie au manque d'inspiration (toutes les BO qu'il a écrites pour les giallos de série Z, toutes les mêmes) ou ne se rendant pas compte de sa puissance (de Palma ou Bertolucci ont dû lui faire violence pour conserver des titres qui sont devenus des classiques). On voit bien que certains cinéastes n'ont pas grand chose à dire  : Wong Kar-Wai n'a rien à foutre là, et sa parole est complètement inutile ; Tarantino a une approche assez bête de la musique de Morricone. mais d'autres font chaud au coeur : voir les Taviani un grand sourire au visage entonner la musique de leur film, ou Roland Joffé encore sous le coup de l'admiration devant le coup de maître du maestro compense tous les petits défauts du film. C'est foisonnant et passionné, amoureux fou et intelligent, profond et touchant : grand moment.   (Gols - 15/07/22)

ennio

Commentaires
Derniers commentaires
Cycles
Ecrivains