LIVRE : Werner Herzog, Manuel de Survie de Hervé Aubron & Emmanuel Burdeau - 2008
Si certains (les mécréants) doutent encore de la malice et de l'intelligence du gars Herzog, voilà un bon petit bouquin pour appréhender son oeuvre. Coincée entre deux petits essais des auteurs ("puissance et faiblesse des personnages chez Herzog" pour l'un, "parole et mutisme" pour l'autre, des thématiques (vite résumés ici avec ces quelques mots-clé) très présentes chez le cinéaste et qui démontrent deux aspects paradoxaux de son oeuvre), une longue interview du maestro qui débat sans langue de bois de ses films, de ses valeurs, de ses goûts (littéraires surtout...). C'est un vrai plaisir de retrouver un Herzog en grande forme qui revient avec précision à la fois sur ses documentaires (et sur Grizzly Man notamment) et sur ses fictions (Nosferatu, pourquoi ?). A chaque fois, il se fait un plaisir de détruire quelques idées préconçues sur diverses interprétations de ses oeuvres, et tente souvent, avec le recul, de tracer des liens entre chacun d'entre eux. Le fan est aux anges de voir le maître ne pas couper les cheveux en quatre quand il parle notamment de ce qui le pousse à faire un film ou de ce qu'il a cherché à faire dans tel ou tel métrage... Il revient aussi précisément sur sa méfiance envers le cinéma-vérité et en profite une nouvelle fois pour revenir sur sa façon à lui, très personnelle, d'accéder à "la" vérité (ce que Gols aura toujours du mal à comprendre mais ne revenons pas sempiternellement sur cette même polémique...). Il évoque également ses propres écrits (deux oeuvres en particulier qu'il faudra bien un jour que je me procure chez mon libraire préféré) ainsi que les bouquins dont il ne se sépare jamais (je ne pensais pas qu'un jour quelqu'un me donnerait envie de lire le récit de La deuxième guerre punique de Tite-Live... Et pourtant, nous y voilà...). On apprécie les questions toujours précises des auteurs (et la façon dont Herzog parfois les rembarre... mais parfois, ils ne s'en laissent point conter) qui, on le sent, connaissent l'oeuvre du sieur par coeur. Herzog se livre (attention, il y aura toujours chez lui une frontière entre le "personnel" (qu'il évoque sans problème) et l'intime...), rétablit la vérité sur quelques fausses rumeurs sur son compte (et quelques vraies rumeurs qui démontrent son sang-froid...), et parle toujours avec sincérité de ses rencontres amicales et artistiques (Chatwin ou Fassbinder) et de sa façon de concevoir le cinéma ; un type entier, toujours passionnant à écouter dans sa foi (extatique) comme dans ses rejets. Un vrai manuel pour survivre dans le cinéma actuel.