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14 avril 2022

Abuela (La Abuela) de Paco Plaza - 2022

Sans titre

Le grand retour aux affaires horrifiques de Paco Plaza, dont on a pu jadis admirer l'efficacité (Rec) ou redouter les facilités (Rec 3). Il revient armé d'une mesure surprenante : là où il multipliait les gros effets, le voilà de retour aujourd'hui avec un film assez calme, plein de plans fixes, sur un rythme relativement lent. Et on a beau dire, ça fait du bien de voir ça dans un genre désormais asservi au règne du jump-scare en mousse et de l'adolescence boutonneuse. Plaza ne tente à peu près aucun effet classique dans sa mise en scène, et réussit pourtant à diffuser une angoisse sourde, un malaise prégnant qui marque des points. Dommage qu'à l'écriture, il soit toujours aussi confus : en gros, je n'ai rein compris à la trame. Il semble bien y avoir une révélation finale et un twist incroyable, mais j'avoue que je suis passé à côté. Je ne sais donc pas vraiment ce qui arrive à Pilar, cette pauvre petite vieille toute guillerette qui, suite à une attaque, devient mutique et inquiétante. Comment se fait-il qu'elle devienne carrément sorcière, influant par la pensée et quelques signes cabalistiques sur sa vie et ses embûches ? Comment apparaît-elle dans les miroirs, comment se dédouble-t-elle, quel invisible et mystérieux interlocuteur la plonge parfois dans l'hilarité ? Tout ça, je n'en sais rien, et ne suis donc guère plus avancé que sa petite-fille, Susana, qui doit s'occuper d'elle le temps de lui trouver une aide-soignante. Au départ, ce sont juste les petits problèmes pratiques (comment changer une couche ou préparer une soupe) qui s'imposent, mais peu à peu les choses se gâtent : mamie semble véritablement hantée, et devient une inquiétante présence, finissant par imposer une atmosphère anxiogène à tout l'appartement, et jusque dans les rêves de Susana. On flippe gentiment devant ce visage complètement opaque, ce silence obstiné, cherchant à déceler derrière la façade les secrets de la vieille.

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Plaza travaille donc sur un sujet qui n'a effectivement de cesse de nous faire peur : l'angoisse de la folie, de la sénilité, de la démence, de la vieillesse en gros. C'est tout le talent du film que de construire un véritable suspense sur l'énigme que constitue cette femme, dont on ne devine aucune pensée, mélange entre un objet et un être humain. Découvrir que son accident a développé chez elle des facultés inquiétantes est le lot de sa petite-fille, que le film dessine habilement en exact miroir de la vieille (excellente idée que cette glace qui substitue son visage à celui tout ridé et "neutre" de la grand-mère) : Susana est belle, en forme, avide de vie, bienveillante, voyageuse ; Pilar sera répugnante, malade, mortifère, malveillante et immobile. Même si l'histoire est un peu lourde, même si la construction générale du film est désespérément académique, on note la bonne intuition de Plaza quant aux moteurs de la peur : elle vient du quotidien, et qui plus est d'un quotidien a priori rassurant et inoffensif. Malgré tout, c'est par la mise en scène que Abuela parvient à nous satisfaire. Plaza se montre bigrement intelligent et audacieux dans l'exercice, et quelques séquences sont vraiment parfaitement gérées. Un travelling circulaire à 360° qui vient complètement brouiller nos points de repère, un recadrage qui occulte très précisément le point qu'on avait envie de voir, des faux champs/contre-champs qui mélange les axes de regards, une façon unique de retenir sans arrêt le motif traumatiques à travers des plans qui s'étirent au-delà du raisonnable, c'est vraiment fin et remarquable. Devant cette façon de faire peur, originale, ainsi que devant le talent des deux comédiennes, on s'incline et on oublie les scories d'un scénario qui peine à renouveler l'imagerie fatigante des démons intérieurs et des maisons hantées.

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