Repeat Performance (1947) de Alfred L. Werker
ll est des films qui partent d'une excellente idée, à la lisière entre le polar et le fantastique (un meurtre... comment ai-je pu en arriver là ?... si je pouvais revenir un an en arrière ! Ça tombe bien, c'est que prévoyait justement de faire le scénario) qui se terminent en trombe (autant dire dans la droite lignée d'un film noir - twist et causticité en sus) mais qui, au niveau de la garniture, dans l'entre deux, ne proposent finalement rien de vraiment alléchant. Et c'est bien dommage... On s'était tout de suite attaché à cette femme surprise dans la nuit, dans l'obscurité d'un salon, un pistolet à la main : les volets claquent, la caméra en a profité pour se glisser dans cet appartement où le pire vient de survenir ; elle a tué son mari... à un quart d'heure de la nouvelle année (1947). Elle erre dans les rues en fête, entre dans un lieu agité, bruyant, met la main sur un ami, demande conseil, se confie, prie pour que cela n'ait jamais eu lieu et bing, la voilà revenue à l'aube de 1946... Elle reprend vite ses esprits et se dit qu'il va falloir tout faire pour que son mari, écrivain, ne croise jamais le regard de cette dramaturge en vogue (ce qui a amené à) ou pour que son pote, tombé au cours de l'année 1946 dans la dépression, ne rencontre cette pseudo philanthrope manipulatrice. Mais peut-on changer ce qui est écrit ? Sur cette fine ligne de trame, Werker met en branle ses personnages autour d'une héroïne (plantureuse Joan Leslie) qui espère cette fois-ci, en tirant certaines ficelles du destin, influer pour le meilleur sur ses proches... Peine perdue ou point ?
On plonge tout de suite dans cette ambiance entre morbidité (un meurtre) et euphorie (un bon vieux réveillon des familles). On fait connaissance avec l'entourage de Joan, un mari qui a eu un succès d'estime et qui noie maintenant son manque de créativité dans l'alcool, un pote poète, William Williams (...), en manque de reconnaissance, un producteur à fine moustache à l'air patriarcal et protecteur et puis aussi cette dramaturge un peu hautaine à l'origine du futur drame... Un petit monde du spectacle qui n'a rien de franchement original et que Werker... va traiter comme tel. On est dans la lignée d'un travail d'honnête artisan : direction correcte, montage correct, dialogues qui s'enchaînent correctement, mais on prend un peu son mal en patience tant l'introduction pouvait laisser imaginer des situations pour le moins cocasses ou pour le moins étranges ou tendues... On sent dès le départ toute la bonne volonté de Joan pour éviter les mêmes erreurs, on sourit légèrement devant les petits contre-temps qui font que le destin suit son cours sans qu'elle puisse toujours franchement changer la donne, mais le récit se déroule finalement avec une petite logique un peu trop huilée, sans inattendu ni rebondissement surprenant... on finit alors, bon an mal an, par attendre le final pour avoir enfin, éventuellement, notre coup d'éclat, notre petite surprise ; Werker, sur une musique qu'un Herrmann n'aurait sans doute pas totalement reniée, lâche un peu les chevaux (un type clopin-clopant qui fonce vers son destin, une jeune femme agitée dans son lit, des ombres et des rets de lumières qui jouent avec les protagonistes...) mais cela survient un peu trop tard. On eut aimé que tout du long le scénar soit aussi excitant, chargé de situations trépidantes - on devra se contenter de situations d'adultère et de passe d'armes entre deux femmes on ne peut plus banales... Une performance qui s'annonçait pétante et qui se révèle, au-delà de l'intro et de la conclusion, un brin décevante. Werker n'a pas marqué, ici, les esprits.