Harold et Maude (Harold and Maude) (1971) de Hal Ashby
Un film qui ouvre par un suicide ne peut pas être une mauvaise œuvre, se dit-on caustiquement... Nous voici donc dans les seventies avec cette adaptation qui ne cesse d'osciller entre le morbide (Harold ne cesse de mettre en scène sa mort) et le libertaire (soixante ans d'écart dans le couple que forme Harold et Maud, qui dit mieux ? (Un prêtre et un enfant de chœur, non ? allons, allons)). Le concept de ce couple est pour le moins intéressant : il est jeunot et ne cesse d'être attiré par la fin, elle est vieille et ne cesse de vouloir faire les 400 coups. C'est forcément celle-ci qui redonne la joie de vivre à celui-là qui finira même, courageusement (si j'ose dire), par mettre la main à la pâte (pour ne pas dire à la fesse flasque). On ne peut certes que se réjouir, en un sens, de sortir autant des sentiers battus et de voir un réalisateur oser mettre en images quelque chose d'aussi peu sexy (peuvent-ils franchement coucher ensemble, hein, oseront-ils ?). D'autant plus qu'avant d'éventuellement franchir le pas (la marche du lit), on aura droit à une critique en règle de l'armée, à des flics tournés en dérision et à une attaque frontale d'une certaine aristo-bourgoisie chiante à mourir. Mais le film sinon ?
Si on adhère assez vite à ce personnage d'Harold (le même regard hagard et morne que celui du gamin du Tambour mais en trois fois plus grand) qui fait preuve d'une certaine originalité dans ses suicides (pendaison, immolation par le feu, ouverture sanglante de veines, hara-kiri...), on avoue être un peu moins adepte de cette petite vieille qui n'a de cesse de ricaner - c'est un peu systématique pour ne pas dire un brin surfait (ah oui, moi, les vieux, même gais, ils m'énervent, c'est pas faux...). Mais bon, on prend son mal en patience et on finit par se fendre d'un petit sourire lorsque nos deux tourtereaux tournent en bourrique un haut-gradé manchot (aussi burlesque que dans un Kubrick) ou un con de flic moustachu (aussi bidon que dans un clip des Village People)... L'idée, on l'a compris, du film (et du bouquin) est de montrer par tous les moyens comment la vieille va donner une petite leçon de vie à son benjamin pour ne pas dire une véritable cure de jouvence : notre jeune âme attristée, esseulée, fait ainsi la découverte de la musique (le banjo, cet instrument si ingrat), du toucher (plus par le biais d'une sculpture que de la vieille - enfin, m'est avis), de la rébellion, de l'amusement permanent, de l'illicite... Notre Harold au teint si hâve reprend des couleurs auprès de cette pomme toute ridée dans le golden âge. Disons-le comme on le pense : oui, c'est vrai, le rythme tombe plus souvent qu'à son tour, ces plans larges font parfois un peu trop chromo et la moquerie relève plus d'un certain sens de la dérision que de l'attaque frontale au vitriol... On apprécie quand même au passage certaines petites idées de mise en scène du gars Ashby (la belle utilisation de la profondeur de champ dans la scène de l'immolation), l'alchimie qui prend entre ces deux personnes que tout séparait (si ce n'est leur goût pour l'esprit décalé), voire même la petite leçon de psychologie (les rapports impossibles entre Harold et une mère coincée et son déblocage total avec cette vieille "sans limite"). En un mot, une idée originale et osée qu'Ashby parvient à porter avec une certaine honnêteté à l'écran, à défaut de rendre la chose franchement trépidante ou délirante...