Aux Frontières de l'aube (Near Dark) de Kathryn Bigelow - 1987
Attiré par l'aura de sa réalisatrice et par les critiques énamourées l'entourant, je me suis intéressé à Near Dark, western gothique mélangeant les vampires et les inspirations romantiques irrémédiablement liées au genre. Mal m'en a pris, je préfère vous le dire tout de suite. S'il est des films qui ont pris un coup de vieux, ce sont bien les films d'action un peu bourrins des années 80, et celui-ci ne fait pas exception. Bon, l'histoire est plus ou moins classique, seul change le contexte : un brave petit gars rencontre une brave jeune fille, mais le baiser qu'ils échangent se transforme en morsure, la belle s'avérant être une goule de la plus belle eau. Malédiction : Caleb devient éternel, nocturne, et contraint de se perpétuer en se nourrissant lui-même du sang de victimes innocentes. Il va pénétrer dans le monde interlope des potes de sa Mae, une bande de crétins des Alpes malins comme des clés anglaises, sillonnant les rues des petites villes rurales et semant zizanie et décès dans les saloons du coin. Caleb arrivera-t-il à se défaire de cette malédiction et enfin vivre son amour pur avec Mae ? Etant donné qu'il suffit visiblement d'une transfusion pour être guéri et redevenir normal, ça se pourrait bien. Mais il lui faudra lutter jusqu'au bout de la nuit contre les Forces du Mal, et ça, ça plaît bien à la fan d'action qu'est Bigelow.
Ça nous plait moins à nous. Même si on accepte l'esthétique clipesque des années 80, même si on s'emplit d'abnégation pour endurer la musique new-age, même si on est en mode détente du samedi soir, difficile de supporter ces acteurs ricanants, ces personnages stupides et éructant, et ce scénario rachitique. D'entrée de jeu, on tique devant le peu d'imagination de Bigelow pour renouveler le genre ; elle tente de situer tout ça dans une atmosphère légèrement urbano-westernienne, genre Mad Max, mais une fois ses deux-trois motifs en place, elle ne réfléchit plus au genre, ne s'amuse plus avec les codes. Il s'en suit un style bâtard, hésitant, qui apparaît plus comme une convention un peu putassière (on mélange des genres que les gens aiment bien, le film d'horreur, le western le film d'action) que comme une réelle volonté de la réalisatrice. Elle rate par ailleurs complètement le portrait de sa communauté "parallèle" : interprétés par des acteurs hyper-limités, sa troupe de vampires est un ramassis de connauds, et on se demande bien ce qui a pu guider ce choix. Très fiers de leur pouvoir d'immortalité, omnipotents et violents, ils ont le droit de vie et de mort sur leurs victimes,et l'expriment avec des borborygmes et des grimaces à faire rougir De Funès. Le don graphique de Bigelow, d'ordinaire si présent, se résume ici à faire fumer des corps dans l'aube naissante (les vampires redoutent la lumière du jour), et dans une scène d'action finale enfin un peu plus inspirée : les corps y explosent et y dansent avec fougue, le couple principal de vampires se paie une belle sortie spectaculaire, on a enfin de quoi se nourrir les yeux. A part ça, c'est chic mais toc...