Eyimofe (This Is My Desire) (2020) de Arie & Chuko Esiri
Et cette fois-ci, on vous emmène au Nigeria, allez hop, faisons une petite virée dans ce pays chatoyant... Alors oui, non, le thème ici n'est pas franchement celui de la fête et de la démesure puisqu'on va suivre deux personnes (deux histoires qui se croisent à peine) qui sont bien décidées à migrer, l'un en Espagne, l'autre en Italie... Et le ton, mes bons amis, n'est pas vraiment à la bamba puisque notre premier gars Mofe, tout content pourtant d'avoir acquis son passeport, se retrouve rapidement face à l'horreur : il retrouve au petit matin sa sœur et les deux gosses d'icelle morts asphyxiés... De quoi faire sacrément cogiter notre homme d'autant que les ennuis d'argent et les problèmes de taff s'enchainent... Notre seconde héroïne, Rosa, veut, elle, partir en Italie avec sa petite sœur enceinte... Un rêve qui se transforme là encore en véritable parcours du combattant... Des intermédiaires très gourmands (le gamin, je le garde), des rencontres "étrangères" un rien humiliantes (oui en gros tu n'en veux qu'à mon fric, mais je comprends ta misère, hein, crois pas) et des imprévus divers qui remettent en question là aussi cette échappatoire européenne... Bref, chienne de vie...
On ne peut reprocher aux frères Esiri ce sens de la mesure, du réalisme, de la véracité : le parcours de ce petit électricien et de cette coiffeuse à Lagos est tout à fait crédible, les deux réals ne cédant en rien aux sirènes du choc ou du chic ; si on ne voit Lagos finalement qu'en fond, c'est surtout parce que leur caméra se concentre sur ces deux petits personnages qui ont eu un jour l'audace d'avoir un rêve... Alors même que ce dernier commence à prendre forme avec l'obtention d'un passeport et la promesse d'un visa, la vie va elle se charger de rappeler ces deux sympathiques clients au départ à la réalité... Des expériences pour le moins traumatiques, pour ne pas dire tragiques, qui ne déclenchent point pour autant de scènes mélodramatiques : on filme ici à hauteur d'homme, avec dignité et nos deux personnages principaux d'affronter en baissant les yeux mais avec pugnacité tous ces obstacles qui se dressent sur leur route... Pour rendre ce départ encore plus vital ou pour simplement rappeler à ces deux individus que leur vie les attend peut-être tout simplement au coin de leur rue... Les frères Esiri filment la chose avec humilité et humanité sans parfois éviter certains clichés un peu attendus (les magouilles administratives, les proches familiaux opportunistes, le Ricain roublard (le clone d'Augustin Trapenard, troublant...), les intermédiaires un rien véreux...). On ne peut pas dire qu'on découvre une face totalement de Lagos mais on suit avec une certaine bonhommie ces deux trajectoires difficiles, ces deux êtres qui tentent de tracer leur chemin à la force du poignet. Correct et honnête et bénéficiant d'une image très colorée et soignée - c'est déjà pas mal.


