Orgie (Rankô) (1967) de Kôji Wakamatsu
Il a beau avoir fait des films comme d'autres pondent des œufs, Wakamatsu parvient toujours à nous tenir éveillé et tendu tout au long de ses œuvres, certes de courte durée, mais toujours exaltantes... Les prétextes de départ sont toujours un peu les mêmes (ici un tueur très pro qui, à ses heures perdues, baise une pute et rêve d'acheter avec ses petites économies le terrain où sa mère s'est suicidée - rien de plus, l'essentiel quoi) mais on ne sait jamais vraiment ce vers quoi on va tendre... Simples étalages de meurtres sanglants et célébrations purement sexuelles pour amuser la galerie (ah ben non, tiens, il vire la pute sur un coup de tête) ? Parcours existentiel d'un tueur sans foi ni loi qui ne vise que le nihilisme ou l’enrichissement personnel (ah ben il semble quand même bien accroché par le souvenir de sa mère et cette volonté de lui rendre hommage...) ? Œuvre au noir qui risque de se finir en eau de boudin (ah ben non, voilà qu'il rencontre une jeune femme avec laquelle il noue une belle complicité...). Koji, derrière cette mise en scène qui semble si facile, presque à l'arrache, nous emmène par le bout du nez dans les méandres de cette vie plutôt glauque sans jamais que l'on puisse deviner comment tout cela va finir...
Notre homme, kidnappé par ses propres employeurs, passera en une seconde de la position de bourreau à celui de victime... Cette trahison par les siens va-t-il l'amener, dans la douleur, sur la voie de la rédemption ? Ou cette trahison en cache-t-elle une autre ? Ou... Bien malin qui pourrait deviner ce qui tient à cœur à notre héros et ce vers quoi le destin l'emmène : un carnage, une histoire d'amour, la piété filiale, rien... ? Wakamatsu, une nouvelle fois, avec deux bouts de ficelle, une paire de seins, un flingue et un rasoir, nous fait pénétrer dans un monde pur et dur auquel on croit dur comme fer, sans jamais que l'on puisse deviner les tenants et les aboutissants de la chose... Si le titre est un peu tape-à-l’œil (je dis ça...), on n'est jamais à l'abri chez Koji d'un final teinté d'un doux romantisme, d'un délire caustique ou d'une tentation fleur bleue. Bref, encore une petite œuvre du maître de la seconde zone nipponne, parfaitement tenue et tout autant surprenante.


