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11 janvier 2022

The Card Counter de Paul Schrader - 2021

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Pluie de félicitations sur ce film qui, moi, ne m'a laissé qu'ennui et indifférence à l'esprit. C'est toujours un peu ça, avec Schrader : c'est élégant, c'est classique, c'est class, mais ça semble dater d'un temps que les moins de 20 ans ne connaissent pas, et c'est fait avec des outils psychanalyco-scénaristiques bien épais tout de même. Le compère n'aime rien tant que le signifiant, le symbole, l'allégorie ; il s'y vautre donc avec délice dans cette histoire de rédemption, bien entendu, où chaque plan sort les gros sabots pour nous prouver qu'il veut dire quelque chose d'autre que ce qui nous est montré. Soit donc un ancien gardien d'Abou Ghraib, autrement dit de l'enfer sur terre. William Tell a été impliqué dans les tortures faites aux prisonniers et emprisonné, payant pour ses supérieurs qui, eux sont passés à travers les mailles du filet. Aujourd'hui, il voyage de casino en casino et joue au poker, raflant prudemment de petites sommes et vivant de peu. Mais son passé le rattrape sous la forme d'un jeune homme prête à faire payer le funeste John Gordo, à l'époque commandant à Abou Ghraib, responsable du suicide de son père. Notre William Tell arrivera-t-il à conserver son flegme et à faire une croix sur ses cauchemars ou cèdera-t-il à la douce jouissance de la vengeance ? Il faudra 2 bonnes heures à Schrader pour trancher, à base de culpabilité enfouie, d'imagerie pieuse et d'allégories à la tronçonneuse. Nous, on se dit que ça ne fait aucun doute et que Tell finira bel et bien par torturer Gordo (Willem Dafoe, sous-employé), mais lui décide que le cheminement moral du gars est beaucoup plus important que le résultat de ses tergiversations, et repousse sans arrêt le climax du film, qui sera d'ailleurs pudiquement situé hors-champ (dans un travelling que personne n'avait osé depuis Frenzy d'Hitchcock).

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Schrader est de la vieille école, voyez-vous. Il déteste les ellipses, aime les rythmes lents et les personnages épais, et adule par-dessus tout les symboles. Or, ses idées, sympathiques sur le papier, deviennent carrément ridicules une fois porté à l'écran. Le plus bel exemple est cette manie de Tell de recouvrir de tissu blanc chaque objet des chambres d'hôtel dans lesquelles il passe ses nuits : on comprend l'esprit, mais visuellement, on se tape sur les cuisses devant la lourdeur de l'image, et on se dit que la majeure partie des journées de notre héros doit se passer à camoufler les meubles, activité un peu nerd sur les bords. En 1990, dans un Scorsese, on aurait applaudi à l'idée ; aujourd'hui, ça sent la sur-écriture et l'allégorie pour les Nuls. Il en va de même pour la plupart des idées ou des formes de mises en scène de The Card Counter : tout est tellement nickel dans l'écriture que le film est totalement étouffé par la signifiance, et de cette bizarre idée de filmer le passé en focales longuissimes (très laid) jusqu'à la symbolique du tapis vert pour montrer la volonté d'oubli de Tell, on soupire devant ces motifs ringards et datés. Oscar Isaac n'est pas très bon dans l'opacité de son personnage, chaque idée est sous-lignée, chaque scène semble hurler sa volonté d'Oscar du scénario ; bref, on est là dans le cinéma de papa en plein, on a l'impression qu'on va recevoir un coup de règle sur les doigts si on rate un seul symbole du film (ce qui parait effectivement impossible), et on regarde se dérouler ce machin froid sans émotion, sans empathie, sans intérêt. Sans moi.

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