Sans ton Amour (Because of You) (1952) de Joseph Pevney
Il nous restera toujours des films noirs à explorer même quand ces derniers (fonds de tiroir) finissent par être mâtinés de romance plus ou moins romantique... Pevney, en tout cas, petit artisan du genre, offre à Loretta Young (ses grands yeux, ses longues jambes, son air un peu quiche) un rôle où la pauvrette se devra de subir tant et plus les états d'âme des hommes. Elle commence sur les chapeaux de roue puisque le jour de son mariage (quelques heures avant), elle est arrêtée en possession d'une grosse somme que vient de lui remettre son enfoiré de futur mari (Alex Nicol, pas cool) ; elle y est absolument pour rien mais devra faire un tour par la case prison... La Loretta ne se laisse pas couler, prend sa vie en main en suivant des études d'infirmière (on est en pleine guerre, on manque de bras), sort sur parole et rompt avec cette crapule d'Alex qui a encore du temps à tirer derrière les barreaux... Elle rencontre, à l'hôpital, un Major blessé (Jeff Chandler, grand menhir sourcilleux un peu monolithique), un homme quelque peu fébrile (il a vu ses parents et ses camarades mourir en direct) mais avec lequel elle semble prête à refaire sa vie... Elle n'ose lui avouer son passé (le type est psychologiquement fébrile, disais-je, et jaloux comme tout) et finit par se laisser convaincre par ses demandes répétées ; notre couple file dès lors le parfait amour : mariage, gamin dans le tiroir, et les années passent... Vous voyez le coup venir ? Moi aussi : le retour de son ex qui risque de faire foirer ce beau bonheur bien propre... Et la Loretta de devoir payer une nouvelle fois le prix fort... Pauvre gamine...
Alors oui, c'est vrai, on aime relativement cette première partie même si tout est un peu cousu de fil blanc : un premier mari aussi sûr que du sable mouvant, la prison pour femme et son lot de travaux pour la patrie, le coup de foudre en milieu hospitalier, un second mari rongé aussi par son passé et affreusement mélancolique et une femme qui tente contre vents et marées de porter sa vie à bout de bras - jusqu'à l'accident fatal... Le destin qui s'acharne contre cette femme bonne comme du bon pain et gentiment tendre (elle a l'air quiche mais elle sort tout juste du four), des hommes fêlés, un amour malgré tout qui tente de sortir des ténèbres et la boulette... C'est vrai qu'ensuite on aura tendance à plus rentrer dans le mélodrame (Loretta change de taff au passage et devient assistante magicienne : oui, une parenthèse enchantée mignonne mais bon) avec cette héroïne obsédée par sa gamine et ses rêves envolés... Pevney semble vouloir donner une nouvelle bifurcation à son œuvre et ajoute dans son petits noirs des ingrédients un peu trop édulcorés - jusqu'à un happy end "impossible" ? Je dis rien mais j'en pense pas moins. Une œuvre tout juste dans la moyenne qui permettra au moins au fan de la Loretta de la retrouver dans un rôle sérieux, joliment construit, tout en montagnes russes. Correc.