Europa (2021) de Haider Rashid
Voilà une œuvre dont le concept n'est pas inintéressant en soi mais qui a bien du mal à décoller de son sujet initial... L'idée est de suivre pendant trois jours le parcours d'un migrant irakien une fois qu'il a passé la frontière entre la Turquie et la Bulgarie ; il a déjà fallu, nous explique-t-on au préalable avec de petits cartons, payer les passeur et corrompre les garde-frontières ; il ne reste plus, maintenant, qu'à passer au travers de milices armées et à trouver éventuellement une bonne âme bulgare solidaire ce qui semble a priori moins légion que les yaourts... On suit dès les premières secondes ce parcours (musclé) du combattant de notre jeune Irakien Kamal : il se retrouve au bout de quelques mètres en Bulgarie jeté à terre, les mains attachées (il parvient à s'enfuir en se jetant dans un ravin...), puis notre homme, remis à peine de ses émotions, grimpe dans un arme pour échapper aux miliciens qui tirent à vue (l'un des migrants tombe sous ses yeux d'une balle dans le dos)... Ce n'est que le début du calvaire... Il faudra aussi trouver à boire, se nourrir, et encore et toujours se méfier de tout ce que l'on croise d'humain... jusqu'à la liberté ou jusqu'à la mort ? Mais est-ce vraiment encore l'essentiel à ce niveau-là vu l'humanité qu'il reste en ces terres ?... Bon, on est dans l'école caméra au poing (limite Go pro sur certains plans en immersion), avec une caméra littéralement collé au dos de notre homme fuyant ; alors oui, on est dans l'action, mais forcément, aussi, notre champ de vision reste très limité : cela augmente de façon un peu putassière notre propre stress puisqu'on ne voit absolument rien de tout ce qui se passe autour de notre homme... C'est un point de vue formel qui se défend mais qui devient vite trop étouffant puisqu'il est utilisé tout au long des petites soixante-dix minutes de cette œuvre qui tient un concept de bout en bout sans rien y changer ; certes, on partage la souffrance et l'absence totale de repère du type... on se tape aussi pour la peine des trucs pas très ragoutants qui frôlent un peu parfois la complaisance (les blessures terribles, les vomissements (manque l'odeur, c'est vrai et c'est dommage non ?), les regards constamment hagards...). Migrant n'est pas une promenade de santé (on n'en doutais plus) et le frère humain est devenu un véritable assaillant suspicieux : ok... Le problème, c'est que le film s'enferre jusqu'au bout dans sa petite démonstration éprouvante (on sursaute au moindre bruit, on est dans un véritable film d'horreur même quand la seule menace est un oiseau qui chante) sans jamais chercher à aller au-delà que cette sensation de peur permanente (et facile ?). Une empathie qui tourne un peu à vide...