LIVRE : Climax de Thomas B. Reverdy - 2021
La banquise fond à vue d'œil, les crevettes microscopiques n'ont plus rien à bouffer et ne peuvent plus nourrir les plus grosses, les phoques n'ont plus d'endroit pour crécher, les ours polaires font du stop sur leur îlot qui par à la dérive : ce monde est une gabegie, on commence enfin d'en voir la fin après avoir mis toute notre énergie pour le piler. C'est sur ce joyeux constat que Reverdy construit ce roman qui nous emmène dans un petit village de pêcheurs en Norvège et sur une plateforme pétrolière située non loin... Tous les indicateurs sont au rouge (la montagne gronde, se fend, menace de tout engloutir) mais on continue de forer comme des malades : on ne laissera pas une goutte de pétrole, on épuisera cette Terre jusque dans sa moelle pour être sûr qu'elle crève exsangue. Suite à un accident survenant sur la plateforme (un tremblement de terre ayant causé la mort de deux personnes y travaillant), un enfant du pays y revient : il s'agit du gars Noah qui va enquêter sur la gestion du problème. Il risque de recroiser en passant son ancien amour, Anå, à la tête d'une pêcherie locale, son ancien pote, Anders, spécialiste des glaciers ou encore son vieux comparse Knut qui vit reclus dans une ancienne église avec sa meute de chiens dressés. Ces quatre-là avaient l'habitude de se retrouver pour des jeux de rôles, ils doivent maintenant essayer, chacun de leur côté, de survivre alors que la menace plane... A la fin, il ne restera rien. Ou presque.
C'est ce qu'on pourrait décrire comme une sorte de roman choral, l'auteur passant d'un individu à l'autre en faisant mijoter d'éventuelles rencontres entre eux. On a dès le départ, et c'est une critique, oui, l'impression de quelque chose d'un peu décousu, qui manquerait quelque peu de liant ; et ce d'autant que l'auteur n'hésite point d'une part à consacrer des chapitres entiers (pointus mais qui ralentissent encore la narration) sur les loups, la pêche à la morue, l'équilibre d'un écosystème, l'élevage de chiens de combat (...) et à conter d'autre part, en parallèle, une sorte "d'aventure dont vous êtes le héros" (avec même des renvois cinq chapitres plus loin...). Comme le fil narratif est ténu, que les rebondissements sont maigres (un accident a eu lieu - on évalue les dégâts en attendant le prochain qui risque d'être beaucoup plus grave...), on a souvent du mal à vraiment se passionner pour ces quatre personnages un peu trop dilués dans ces multiples digressions, dans cette fonte narrative en quelque sorte... Oui, certes, on l'aura compris, ce qui intéresse avant tout Reverdy c'est de faire la chronique de cette fin du monde annoncée, d'en détailler tous les tenants (tout ce qu'on a détruit, tout ce qui rend tout retour en arrière ou tout nouvel équilibre impossible) et les aboutissants (tout finira par s'effondrer, par nous retomber sur la gueule). Cela part d'un bon sentiment mais il semble malheureusement plus à l'aise dans ces petites parties "pédagogiques", voire dans ces petits chapitres d'heroic fantasy (pour amateur de légendes et de Tolkien) que dans la tenue de sa trame. Nos personnages prennent un temps fou avant de se recroiser et cette rencontre (un climax, forcément, en soi) survient un peu trop tard pour nous toucher - d'autant que la catastrophe est alors imminente. Au final, on assiste à un roman diablement dans l'air du temps (l'apocalypse est pour demain - demain demain, hein) mais à la structure narrative un peu trop lâche, un peu trop éclatée pour donner vraiment du poids à ses créatures. Climatique, oui, mais pas franchement climaxique (ou extatique dirait Herzog).