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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
18 août 2021

The Father de Florian Zeller - 2021

the father

Connaissant le garçon, on aurait pu s'attendre, à la vue du premier film de Florian Zeller, à une démonstration de prétention et de m'as-tu-vu. Il nous faut ranger notre fiel : The Father est plutôt sobre, et le gars se range avec une certaine modestie derrière son sujet et ses acteurs, leur laissant toute la place pour dévoiler une histoire qui n'a certes pas besoin d'acrobaties pour être forte. Film de sujet, donc, et film d'acteurs, voici dévoilé le triste récit de la fin de vie d'Anthony, papy naguère en pleine possession de ses moyens mais dont le cerveau est aujourd'hui gangrené par Alzheimer et son lot d'humiliations : le gars perd la mémoire jusqu'à oublier le visage de sa propre fille, est perdu au point de ne plus du tout se repérer dans le temps et l'espace, est sujet à des crises de colère dues justement à l'abandon de ses facultés intellectuelles et à son asservissement aux différentes aides extérieures, enfin tout va mal. Face à ce désarroi complet, sa fille tente vaille que vaille de naviguer, laissant filer sa vie amoureuse, très attachée à ce père et à ses devoirs filiaux et en même temps dépassée par l'ampleur de la déréliction paternelle et par les pics de rage injustes du gars. Enfermés dans l'appartement d'Anthony (ou celui de sa fille, ou n'est-on pas déjà dans son EHPAD ? les repères se brouillent), on suit cette chute sans fin vers la folie, tout aussi embarrassés que la touchante Anne face à ce petit homme digne qui redevient un enfant.

85-2

On le voit, c'est fort et éprouvant, et on en aurait voulu à Zeller de ramener sa fraise sur un tel sujet. Le réalisateur ne se montre pourtant pas absent, loin de là, de son film, trouvant même une excellente idée pour raconter ça : on découvre peu à peu que le point de vue du film, c'est celui d'Anthony lui-même, et que tout nous est montré depuis son cerveau malade. Les scènes se répètent, les repères géographiques sont brouillés, les acteurs valsent dans des rôles différents, le champ peut enchainer sur un contre-champ situé ailleurs ou dans une autre temporalité... Sans en faire trop, Zeller parvient à rendre compte un peu du désarroi d'Anthony, à nous le faire éprouver physiquement : on ne sait pas, en fin de compte, si tout ça, ne se déroule pas entièrement dans le cerveau du vieux, si ses changements d'adresse, ses conversations avec sa fille, ses disputes avec son gendre, les infirmières qui défilent à son chevet, ne sont pas le fruit de son imagination vacillante. Bonne idée, qui rend le film parfois assez captivant dans sa volonté finalement touchante de nous faire réellement comprendre les rouages de cette folie. Le principe n'est pas complètement mené au bout, mais on apprécie l'effort. Autre talent évident de Zeller : la direction d'acteurs, Hopkins et Coleman se montrant très convaincants dans leurs rôles sans tomber dans la construction de personnages à Oscar. Coleman, comme toujours, fait parfaitement les yeux mouillants, et Hopkins est un étonnant petit vieux, constamment crédible dans son constat de sa chute vers la folie, touchant à mort dans les sortes de pièges qu'il tend à ses proches pour tenter de les prendre en défaut alors que la vérité apparaît toute crue : il est perdu. Bon, il rate la scène finale où il est censé régresser jusqu'au stade anal, mais n'importe qui se serait planté, le truc est injouable. Si ce n'est un enfermement encore trop marqué dans les codes du théâtre, et un petit manque de personnalité dans le filmage, je ne trouve au bout du compte que du bien à dire de ce film juste et délicat, empathique et mesuré : un beau portrait d'homme qui se perd.

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