Pourquoi sont-elles devenues ainsi ? (Naze kanojora wa sō natta ka) (1956) de Hiroshi Shimizu
C'est reparti pour un mini-cycle Shimizu grâce à la rétrospective Shimizu qui s'est transportée de la Cinémathèque à la Maison de la culture du Japon à Paris (pas pu voir, forcément, tous les films de la rétrospective, seulement trois en ce mois de juillet, mais avouons que rien que la (vieille) faune de la salle valait le détour). On commence avec ces jeunes filles en fleur qui ont été mises en cage. Reconnaissons qu'au premier abord, après avoir suivi ces longs travelling qui nous font pénétrer progressivement dans l'enceinte de cet établissement de femmes entre elles et dans ces salles de classe bondées, que ces jeunes Nippones, même si certaines prennent un air un rien effronté en fixant subrepticement la caméra (des regards "volés" qui donnent une petite allure de "reportage" à cette œuvre de Shimizu - juste au départ tout du moins), n'ont pas franchement des allures de grandes délinquantes... On suit au départ l'arrivée d'une nouvelle, issue d'un milieu a priori guère défavorisé, qui va vite créer quelques remous dans cette assemblée, en particulier auprès d'une jeune fille désireuse de marquer son territoire (un joli fight pour commencer) ; on suivra ensuite d'autres trajectoires de jeunes filles, toutes avec leur petit lot de désillusions : des rejets par la famille, des rejets par le monde du travail et des retours pour certaines au monde de la prostitution (et vas-y que je te vends ma gamine à une éleveuse de geisha - gabegie familiale)... Une jeune femme en particulier captera notre attention lors d'une scène éprouvante du film où cette dernière sautera à répétition d'une butte... On pense que la donzelle, incomprise, tente de se péter les jambes pour attirer l'attention, voire même de se suicider, mais on se fourre le doigt dans l'oeil... On découvre en effet lors d'une séquence suivante que la donzelle est enceinte : elle accouche à l'ancienne dans une étable, entourée de toute une tribu de femmes solidaires ; c'est la séquence "émotion au forceps" de la chose qui nous montre une image d'une jeune femme combattive malgré les aléas de la vie... La petite leçon de cette sympathique petite oeuvre semble se trouver, de façon guère étonnante chez Simizu, dans le regard porté sur le monde des adultes : ces derniers, égoïstes, profiteurs, exploiteurs ne font pas grand-chose pour venir en aide à ces jeunes pousses souvent livrées à elles-mêmes. Un Shimizu, dirons-nous, qui manque d'un brin de vivacité mais qui nous montre une nouvelle fois sa totale empathie envers cette jeunesse folle et le monde des femmes.