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29 avril 2021

Roméo et Juliette (Romeo and Juliet) de Franco Zeffirelli - 1968

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Ah tiens, encore un cinéaste qui manquait à notre sommaire, curieusement. Bon, Zeffirelli est un peu oublié aujourd'hui, c'est vrai, et son cinéma a tout d'une bonne vieille pièce de musée. Mais tout de même, tout de même : il a su en son temps nous donner quelque chose qui avait à voir avec l'innocence des débuts, la naïveté fleur bleue des sentiments et finalement une manière de voir le cinéma qui n'appartenait qu'à lui. En tout cas, à la vision de ce Roméo et Juliette, on se dit que le bougre avait trouvé son sujet idéal pour exprimer toute la magie de son cinéma et en même temps pour parler du seul sujet qui l'intéresse : l'Amour. La pièce de Shakespeare est tellement connue, et a déjà été adaptée tant de fois au cinéma, que Zeffirelli décide de revenir à la base : sa version sera fidèle et sans lecture contemporaine fumeuse. Ce qui n’exclura pas un certain style, un panache, quelque chose de profondément hollywoodien dans l’exécution. Nous voici donc de retour à Vérone pour ce texte éternel et génial, sur les traces de ces deux clans qui se détestent cordialement, les Capulet et les Montaigu, qui ne cessent de se chercher querelle au grand dam du prince de la contrée, qui accumulent les cadavres et finissent par polluer la vie sociale. En leur sein, Roméo Montaigu, naïf adolescent de la dernière pluie, croise le joli minois de Juliette Capulet, vierge diaphane, et leur amour est immédiat, sans nuance et éternel : ces deux-là convoleront malgré les dissensions des leurs. Bon, bref, on connaît tous l'histoire, ça ne va pas se passer comme ils le voudraient, et ils giseront (tiens, pas de futur au verbe gésir, c'est aussi ça, Shangols) bien avant leur heure dans des râles empoisonnés, pour renvoyer à la tête de leurs familles la vanité de leurs haines ataviques.

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Il y a une certaine beauté à voir Zeffirelli se reposer entièrement sur la beauté du texte, se montrer tellement admiratif de la pièce de Shakespeare. Aidé par des comédiens impeccables, il est complètement au service du texte, et la petite bande parvient à rendre magnifique cette histoire pourtant connue et lue cent fois. Placé sous le signe de la jeunesse, le film, même en costumes, est bien de son temps : on n'est pas dans West Side Story, mais il y a aussi une manière très personnelle d'ancrer cette histoire éternelle dans la psyché de la jeunesse de 68. Tous les acteurs sont jeunes, beaux, acrobatiques, drôles, et les vieux sont réduits à des figurants ringards. Les deux principaux sont particulièrement bien trouvés : Leonard Whiting fait un Roméo buté, obsédé par sa belle, inconscient du danger, hyper romantique (et aussi pleurnichard) très crédible ; et l'adorable Olivia Hussey, belle comme un astre, est merveilleuse dans ses caprices, ses effronteries, sa candeur aussi vis-à-vis de son amoureux (et de l'Amour en général : j'ai toujours pensé que ces deux-là aimaient plus l'Amour en lui-même que l'autre en personne). La bande des copains chamailleurs et rigolards qui les entourent sont pas mal également, très shakespeariens pour le coup avec leurs jeux de mots, leurs pitreries et leur sang bouillonnant : la querelle entre Tybalt et Mercutio vaut son pesant, spectaculaire et tonitruante. Le film est vraiment placé sous le signe de l'énergie, du rythme, de l'excès (de jeunesse, de rire, de violence).

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Côté mise en scène, Zeffirelli fait le job avec professionnalisme, et s'en tire très bien : on n'a pas l'impression d'être au théâtre, il fait exploser les décors et les cadres avec un excellent sens de l'espace (la longue scène du balcon, par exemple, est très maîtrisée, on n'est jamais perdu, l’œil est toujours "amusé"), varie les ambiances entre comédie et tragédie, entre farce énorme et romantisme sucré, et son film fait exploser le troisième mur avec beaucoup d'élégance. Alors, certes, ce n'est pas en matant cette version qu'on trouvera une lecture très personnelle, un caractère extraordinaire ou une manière de revoir différemment ce classique : Zeffirelli n'est pas un moderne, il aime l'académisme, et il s'en voudrait de trahir les clichés liés au texte. On sent qu'il a potassé ses cours de fac pour surtout respecter les règles imposées, et on cherchera en vain une quelconque personnalité là-dedans. Mais dans ce travail professionnel et admiratif, dans ce classicisme grand crin, dans cette joie de nous faire partager un texte sublime, on peut trouver le plaisir de l'esthète, et c'est déjà énorme.

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