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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
12 février 2025

Les Rendez-vous d'Anna (1978) de Chantal Akerman

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Si vous cherchez un film d'action, il serait bon que vous passiez immédiatement votre tour. Je dois reconnaître que moi-même, qui en ai vu, si j'étais tombé sur ce film à ma naissance, j'aurais purement et simplement fait machine arrière. Akerman filme des gens dont la joie de vivre est égale au quotient intellectuel d'un footballeur divisé par celui d'un chroniqueur de chez Pascal Praud et autant vous dire qu'on frôle la négation. Cinq rencontres, pour cette réalisatrice incarnée par une Aurore Clément somnolente, cinq personnes qui semblent s'être fait dénerver avant le tournage pour parvenir à une intonation de voix si blanche. Un hôtel, un homme qu'elle a rencontré lors de la présentation de l'un de ses films à Cologne : ils couchent ensemble, on ne s'aime pas, dit-elle, rhabille-toi et l'ambiance est cassée direct. Cela n'empêchera pas l'homme d'inviter Aurore pour l'anniversaire de sa gamine de cinq ans, l'occasion pour lui de lui raconter ses déboires (sa femme est partie avec un Turc, pour un Allemand c'est comme perdre un match de foot contre les Vanuatu), sa vision pessimiste de la vie : le type face à cette pauvre Aurore est si morne, si immobile dans son jardin que le décor derrière s'arrête littéralement de bouger (il y a peut-être encore au loin une feuille qui respire mais pas sûr). Plombé, qu'on est. Gare de Cologne, une amie de sa mère : une vraie troubadour tellement désespérée de la life qu'on pense qu'elle est déjà embaumée. Train Cologne-Bruxelles (les 3h30 du trajet, on les sent, putain, presque double même), un type rencontré dans le couloir. Le type a voyagé dans plein de pays, a rencontré diverses femmes, à chaque fois une même constante : l'échec. Le type veut vivre en France, celle de Giscard, pour y trouver la liberté, le con. On s'est déjà tiré trois balles dans la tête, on en garde trois pour la suite. Gare de Bruxelles, rencontre avec sa mère (la pimpante Léa Massari... enfin, avant qu'elle soit passée sous un train...). Les deux femmes vont à l'hôtel, se couchent ensemble dans le noir, Aurore lui raconte une aventure lesbienne lors de ses voyages ; Léa est au bord de l'infarctus, on se dit que les lumières se sont définitivement éteintes chez elle. Compassion et complicité, zéro, on se tire la quatrième balle, on se surprend même à viser. Gare de Paris puis hôtel parisien, un homme, un ami, un amant, Jean-Pierre Cassel, il s'est coupé les cheveux comme ça il est encore plus moche (sic), il a envie d'elle, oui répond-elle avec un enthousiasme de croque-mort. Aurore, dans cette chambre d'hôtel au design d'aveugle, nous chante une jolie version a capella des amants d'un jour (Moi, j'essuie les verres au fond du café...), une de nos paupières sursaute ; ils vont passer au lit, cette scène d'amour s'annonce exaltante, ils n'ont pas cessé de se caresser les fesses ; ah ben non, Jean-Pierre est soudainement tout quetou, elle doit trouver une pharmacie de garde pour le soigner. On serait bien resté à l'hôtel, nous, mais on l'accompagne pendant des plombes. La cinquième balle est partie quand finalement elle rentre chez elle (la libido s'est enfuie - coup dur) ; on a bien fait de garder précieusement la sixième balle, elle partira une fois qu'on a écouté ses messages vocaux (une petite voix italienne lui a-t-elle enfin arraché un sourire ? je n'en mettrai pas ma main au feu). Ah c'est éprouvant, chaque minute en dure deux (j'ai vérifié, chaque minute dure réellement cent-vingt secondes - Akerman fait du cinéma quantique) et ce ton monocorde, cette déprime généralisée, ces gueules lessivées finissent par vous achever. Akerman, Le cinéma de la Dépression, de la lucidité face à la solitude humaine, de la normalisation du suicide pour tous. A très petite dose, même si on doit reconnaître que le dispositif narratif, le filmage, le jusqu'au-boutisme de la chose, sont en tout point implacables, glaçants, d'une rigueur digne de la mort. Exigeant, oui, astreignant, définitif... Un coup du lapin. Pour cinéphiles trois fois avertis...  (Shang - 23/03/21)

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Je reconnais derechef avec mon camarade qu'on n'est pas là dans la tradition la plus golri du cinéma, et qu'il faut s'armer de courage et d'une bonne dose de Prozac pour parvenir au bout de ces deux heures, disons, longuettes. On le savait déjà depuis le plus long mais moins chiant Jeanne Dielman, le monde selon Akerman est une chienlit, un lieu de désespoir total où tout rapport humain autre que mécanique est voué à l'échec, où quand on discute c'est pour geindre, quand on baise c'est comme des animaux, un piège d'où toute issue est vaine et tout acte absurde. Ok, on veut bien : même si on a une vision un tantinet plus optimiste (peut-être parce qu'on connait l'existence des Fraises Tagada), on est prêt à respecter cette vision nihiliste et on s'apprête à en assister à la démonstration avec envie. Ça se traduit ici en termes de plans larges, vides, tout gris (on est en Belgique, en Allemagne, pas les pays les plus paradisiaques de la planète, certes), étirés au maximum dans leur terrassante froideur jusqu'à les rendre insupportables. Un dispositif efficace pour rendre l'effroi que la cinéaste éprouve vis-à-vis de toute chose, mais tout de même un peu éprouvant pour le brave spectateur lambda qui se sent prisonnier dans une mise en scène étouffante, dans un désespoir qui n'est pas le sien. 

Le film draine à la suite d'Anna, de train pourris en chambres d'hôtel minables, une putain de tristesse, due certainement à l'état d'esprit d'Akerman, mais aussi à un je ne sais quoi d'intrinsèque à la vieille Europe qu'elle traverse : sont-ce les marques d'une crise industrielle qui va de paire avec je ne sais quelle crise morale ? des réminiscences de la Shoah qui surgissent discrètement dans le film ? à la fin des illusions amoureuses, relationnelles à l'orée du tout-capitalisme ? Face à tout ça, Anna se présente comme une oreille gagnée par l'insensibilité, une femme sans caractère qui ne sait qu'écouter mais ne ressent plus rien. Seule toute petite touche d'humanité chez elle, et dans le film en entier d'ailleurs : cette chanson de Piaf, qui apparaît du coup comme un éclat de bonheur (il nous en faut peu dans un film aussi gris). A part cette parenthèse enchantée, on peine pas mal à suivre ce non-personnage, complètement vide (pas de métier visible à l'écran, même si on sait qu'elle a fait des films ; pas de passé amoureux, même si elle se confie sur certains et recroise ses amants ; pas de but, même si on devine qu'elle est peut-être à la recherche de cette fameuse femme aimée). Un objet éprouvant, en tout cas, qu'il faut prendre sans doute comme une proposition, radicale et personnelle. Sans doute.  (Gols - 12/02/25)

 

Commentaires
O
C'est un film que je ne ne ma lasse pas de revoir et pourtant je suis dingue de John Woo (période Killer) de Sam Fuller et même de Dog Bite Dog ... mais il y a de l'humour et de la dérision et certainement une admiration cachée (bien cachée quand même). Je n'enverrai donc pas Jeff Costello pour te descendre 😀...
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R
Beuh... pourtant à la voir comme ça, elle a l’air éprise d’une certaine joie-de-vivre (prononcez à la Limey<br /> <br /> ou à la Yankee), la môme Chantal, non ?!<br /> <br /> https://i.guim.co.uk/img/static/sys-images/Guardian/Pix/pictures/2015/10/8/1444321312269/Chantal-Akerman-009.jpg?width=700&quality=85&auto=format&fit=max&s=a8d8c5bfa696e216cd0759a05b16cf5f
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C
Non, non, trois fois non... Je vous cite : "Akerman filme des gens dont la joie de vivre est égal au quotient intellectuel d'un footballeur divisé par celui d'un chroniqueur de chez Pascal Praud et autant vous dire qu'on frôle la négation."<br /> <br /> <br /> <br /> Si un nombre qui tend vers 0 est divisé par un autre qui tend vers 0 : on ne peut rien dire a priori comme tous les élèves de terminale le savent bien. <br /> <br /> <br /> <br /> Pour obtenir un nombre qui tend vers 0, il faut que le numérateur tende plus vite vers 0 que le dénominateur, ce qui veut dire que vous méprisez plus les footballeurs que les chroniqueurs... En fait il faut MULTIPLIER et non diviser les deux nombres qui tendent vers 0. Quant à frôler la négation, je n'en parle pas... :-)
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M
Elémentaire mon cher Faux. Autant dire que manger un quotient de pomme pourrie réduite à zéro divisé par manger un quotient de caca de chien réduit à zéro, ça revient à ne manger pratiquement ni l'un ni l'autre, ou alors une lichette tellement infime... <br /> Au fait, vous savez que respirer une mauvaise odeur, ça équivaut à avaler une lichette (infime, là aussi) de la matière à l'origine de ladite mauvaise odeur ? Nous avalons donc des nano particules de caca de chien (chat, humain,...) chaque fois que nous en respirons. C'est Broadway, les amis. <br /> Pour en revenir à Chantal Ackerman... Mon quotient de patience étant lilliputien, j'ai rarement dépassé les 18 minutes de projection. La vie étant bien trop courte et sa durée imprévisible, comparons le ratio de perte de temps/vie comparé à celui de plaisir/vie. Le compte est vite fait !
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