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27 février 2021

Cemetery de Carlos Casas - 2020

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Diable c'est ce qu'on appelle un film immersif ou je ne m'appelle plus Gols. Depuis les délires de Grandrieux, je n'ai pas le souvenir d'avoir été ainsi happé dans un film jusqu'à oublier tout le reste, challenge d'autant plus bluffant que Cemetery n'a pas eu l'heur d'une sortie sur grand écran, réalisé qu'il fut pour la plateforme Mubi. On rêve de voir un jour ce film en salle, cela dit, tant l'expérience, proche de la transe ou de l'hypnose, est fantastique. Dès le départ, avec ce contexte futuriste, on est pris dans un bain étrange : dans un futur proche, tous les éléphants ont été décimés, il n'en reste qu'un, tracé bien sûr par les braconniers qui veulent le pister jusqu'au mythique cimetière des éléphants, et son gisement gigantesque d'ivoire. La civilisation s'éteint peu à peu (on apprend la nouvelle d'un tremblement de terre gigantesque), la fin est proche, seule reste la nature. Le film va décliner cette petite idée en quatre parties de plus en plus étranges, qui vous immergent peu à peu dans la jungle.

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Première partie, la plus documentaire : le fameux éléphant survivant est élevé par un type qui en a fait une sorte de demi-dieu. La caméra filme longuement, lentement, l'animal, son étrangeté, son altérité, sa peau surtout, dans une sorte de contemplation élégiaque, et en parallèle montre les rituels de son maître, à l'heure où le pachyderme atteint sa fin de vie et où il faut envisager le voyage vers le cimetière. Cette partie, d'une sublime beauté dans sa lumière, sa photo et ses cadres, donne le ton, tout en rentrant doucement dans sa forme. On est dans le documentaire, mais aussi dans une sorte de symphonie naturaliste, dans une sensorialité intense. La bande-son, mélange d'effets électroniques et de bruits de la nature, de grognements de bêtes et de bruits de vent, rappelle le travail de Lynch et son effet est vraiment fort : on reste tout de suite hypnotisé par le rythme et par cette sensualité des images et du son, pris par le film qui ne raconte pourtant rien du tout.

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Deuxième partie : on suit un groupe de braconniers sur la piste de l'éléphant. Balade là aussi lentissime dans la jungle, où les sons deviennent de plus en plus envahissants, jusqu'à devenir presque un personnage de l'action : ce sifflement bizarre qu'on entend de temps en temps semble tuer peu à peu les gusses, qui s'effondrent tour à tour. On est dans le cœur du film, ce mystère, cette absence d'explication, se développe en plein et participe à notre perte de repères. Pourtant on n'est pas largué une seule seconde dans ce film extraordinairement cohérent, qui propose plus une expérience d'immersion à la 2001 qu'une trame proprement dite. Ce que viendra confirmer la troisième partie, la plus expérimentale : 25 minutes de sons, de motifs abstraits, d'impressions floues, de sensations. Casas travaille sur les souffles, les grognements, la pulsion de la nature pour créer un moment intense, complètement magique, dégagé de tout, en apesanteur. On saisit dans l'obscurité des silhouettes d'éléphants, des fulgurances comme des rêves, des mouvements répétitifs qui rappellent les peintures rupestres. Une merveille, notre bouche bée encore un peu plus devant cette plongée sans filet dans le film. Avec comme référence Apichatpong Weerasethakul, Casas arrive au moins à la grandeur du maître, parvenant à déconnecter son cinéma de toute trame, pour lui faire retrouver, comme aux temps du muet, son aura de sensation, son statut d'expérimentation. La courte quatrième partie, qui ne filme plus que de grands paysages vides de toute présence, animale ou humaine, est à la fois un temps de désolation et un temps de sérénité pure : la Terre désertée retrouve sa quiétude éternelle, et le film peut se refermer en éteignant sa dernière étoile.

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Et moi de me retrouver assis, un filet de bave aux coins des lèvres... Un petit chef-d'œuvre que ce Cemetery, qui rappelle que le cinéma est avant tout histoire de sensations, qui fait retrouver le simple plaisir de la contemplation, et qui vous laisse cloué par sa beauté visuelle et sonore.

cemetery---carlos-casas

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