Je ne suis plus là (Ya no estoy aqui) (2020) de Fernando Frias
Adepte de la cumbia, vous devriez prendre votre pied devant ce film qui nous fait voyager (de façon peu touristique, certes) entre Monterrey au Mexique et New York. La cumbia, pour les ignares, c'est avant tout une danse (dont je suis expert - pas de photo malheureusement) et c'est une véritable religion, une culture de la vie, pour ce groupe de jeunes qui se prénomme les "terkos" (des gars butés). On les reconnaît assez facilement, les mecs, par cette coiffure relativement originale que Gols devrait adapter sur le champ (puisque je vois, parmi les commentateurs, de mauvaises langues à l'oeuvre sur des questions capillaires nous concernant). Une coiffure particulière, une façon de se fringuer plutôt légère pour les donzelles, et un amour constant de cette musique qui vous transporte en deux-trois notes saccadées d'accordéon. On suit les couettes d'un certain Ulises (il invite forcément au voyage) qui, dans cette ville où les cartels de la drogue ne rigolent pas, a pris sous son aile une douzaine de jeunes. Un peu branleur dans leur allure, ils ne font pas de mal dans le quartier, toujours prêts à exécuter un pas de danse à la moindre occasion... Seulement voilà, un jour qui ne ressemble pas à un autre, un petit accrochage aura lieu avec une nouvelle bande bien décidée à prendre les rênes du quartier ; armée jusqu'aux dents, difficile pour notre gars Ulises de résister face à la menace : suite à une altercation et un avertissement sanglant, notre garçon s'expatrier aux States - un déracinement difficile à vivre pour notre jeune homme coiffé comme un gentil lama.
Alors oui, on est charmé de découvrir ces airs lancinants de la cumbia et le petit monde des afficionados tout entiers dévoués à la pratique de cette danse - qui, je vous préviens tout de suite, demande une certaine souplesse au niveau du bassin et des articulations solides au niveau des chevilles. Seulement voilà, ce bon Ulises va se rendre compte que le monde est beaucoup trop sauvage pour les doux rêveurs. Lorsque ce nouveau cartel passe à l'action, je peux vous dire que ça charcle - pas le temps de se demander si vous allez oui ou non vous faire vacciner, vous avez déjà une balle dans le crâne. Ulises, aux Etats-Unis, va également se rendre compte que sa petite fierté ne suffit pas pour se dresser face à des autochtones peu aimables. A peine arrivé, il va se retrouver perclus de coups... A lui de survivre dans ce monde de bruts. Heureusement, le film oscille entre ces accès de violence, la musique apaisante de la cumbia et la présence d'une jeune fille asiatique qui va tenter d'entrer dans le monde un brin fermé d'Ulises : ils n'ont pas de langue commune mais la chtite va faire tous les efforts possibles pour se rapprocher de notre adepte forcené de l'accordéon. Un peu de douceur et de gentillesse, enfin. Ulises, malgré tout, peine à trouver sa place dans cette société qui le dépasse (et qui écoute de la merde) et sa nostalgie pour son clan devient véritablement plus fort que tout - mais rentrer risque de signer son arrêt de mort... à moins de faire des concessions... Un petit film qui, mine de rien, met en scène une sympathique petite troupe qui vit par et pour la musique mais qui est rapidement confrontée à une certaine réalité moins rieuse (ou alors comme une mouette). Peut-on encore vivre dans sa bulle, là est (une partie de) la question que soulève intelligemment Frias. Un portrait d'un type "exotique" dans le sens le plus charmant du terme et le moins condescendant possible. Pas si mal.