César et Cléopâtre (Caesar and Cleopatra) (1945) de Gabriel Pascal
On reste dans l'esprit péplum avec cette curieuse adaptation de l'histoire de César et Cléopâtre sous l'œil peu inspiré de Gabriel Pascal et sous la plume enflammée et pompeuse de Bernard Shaw. Dès le départ, on a du mal avec ce parti pris qui est de nous montrer une Cléopâtre jeune et bécasse (Vivien Leigh, parfaite pour le rôle) face à un César toujours moqueur et sûr de son fait (sauf quand il est question de ses rides et de sa calvitie... il se rembrunit un brin... It's Raining Claude...). César sait tout, comprend tout, contrôle tout. L'autre s'agite, est capricieuse, s'émerveille devant tant de prestance, etc... Tout le film sera construit autour de ce postulat : César est un maître à jouer, sait manipuler l'ennemi, et même lorsqu'il est pris à cause d'un surplus de confiance, il s'en sort par une pirouette (un plongeon du phare, et hop il échappe à ses ennemis - it's raining...). Son style : la confiance en lui-même, l'absence de toute violence, la douceur des mots, le charisme... L'enfant Cléopâtre observe et quand la pauvre bougresse veut enfin passer à l'action, montrer de quel bois elle se chauffe (en faisant assassiner un des siens), elle se ridiculise de façon terrible... Pauvre Vivien dont les grands yeux ne renvoient que le vide intersidéral face au petit sourire en coin de ce César si habile, si fort, si grand, si bienveillant, si paternaliste, si puant...
Oui, César, ne serait-ce que par ce portrait élégiaque et sa façon d'éviter au maximum l'affrontement (mais faut pas le chercher non plus), eut mérité le prix Nobel de la Paix. Bon, un parti pris comme un autre, mais qui n'apporte pas grand-chose historiquement, artistiquement ou émotionnellement. Parce qu'on s'ennuie quelque chose d'affreux durant ces deux heures de parlotte où l'un brille, devine tout avant tout le monde pendant que la reine ronge son frein, oserve, ricane - elle ne parvient même pas, la pauvre enfant, a le rendre jaloux, lui qui ne fait que travailler pendant qu'elle passe son temps à bavasser avec ses servantes qui ne la respectent même pas... Brrr, ça sent le male gaze à plein nez à défaut de sentir le doux soleil d'Egypte. Stewart Granger, en vendeur de tapis sicilien, tente d'amener un brin de fantaisie et de sex attitude avec son sourire enjôleur - il transpire le mâle dans toute sa splendeur (sa gouaille, son courage, son fighting spirit...) mais semble au final plus charmer César que Cléopâtre ; lui-même finissant d'ailleurs par y trouver son bonheur - bref, Cléopâtre, tout le monde s'en fout... On pourrait se dire que l'Angleterre a mis ses derniers deniers dans ces toiles peintes gigantesques, dans ces figurants qui le temps d'une scène ou deux salissent le désert, mais on a même pas le cœur à trouver cela particulièrement réussi. Le nez m'en tombe, cette adaptation est cuisante d'ennui et d'auto-satisfaction. Pas envie de rendre quoi que ce soit à César...