LIVRE : Un Hamster à l'école de Nathalie Quintane - 2021
Bon, encore un livre qui rentre tranquillement dans le lot avant d'aller pointer parmi les pilons dans deux ans. Le livre de Quintane n'est ni bon ni mauvais, juste banal et amusant. Il s'agit d'une description mi-indignée mi-morte de rire des incohérences du système éducatif français, 200 pages d'aberrations, d'erreurs, d'illogismes, d'absurdités concernant les profs, leurs supérieurs et leurs élèves, victimes ultimes d'une éducation nationale vérolée par la bureaucratie, le souci de rentabilité, la fatigue des enseignants, le manque de formation et la lourdeur des programmes toujours renouvelés. Pauvres profs, se dit-on à la fin du livre, malmenés par tout ça, passifs devant l'avalanche des tâches et l'incompréhension de leur hiérarchie ; et pauvres gosses, se dit-on tout de go, dernier maillon de cette machine à instruire qui n'est viable que pour les meilleurs, qui broie les mauvais élèves et prépare déjà à la société libérale et marchande qui est la nôtre : que tu naisses d'un côté ou de l'autre de la barrière sociale, rien ne change, tu seras soit en grandes écoles soit en techno, tu seras soit un bon soit un loser. Quintane, fort de son expérience comme prof dans les postes dont personne ne veut (notamment dans le Nord, l'enfer des enseignants), tricote un texte drolatique et désespérant sur cet état des choses, et par l'anecdote dessine un monde assez effrayant, où la disposition des tables en cours, l'organisation de tel examen ou le comportement en classe de tel élève, occupent la majeure partie du temps, où on préfère faire étudier Grand Corps Malade plutôt que Flaubert par peur de l'échec, où les inspections toujours bâties sur les principes d'il y a 40 ans peuvent décider de l'avenir d'un prof...
C'est édifiant, c'est sûr, mais on se demande un peu aussi à qui s'adresse ce livre plaintif et colérique : si c'est aux profs, ça semble être un peu un coup dans l'eau, ils baignent dedans ; si c'est aux autres, c'est un peu anecdotique, et on se dit que c'est encore un livre sur un corps de métier pas content, que c'est bien triste tout ça, et que oh lala et qu'est-ce qu'on mange ? En un mot, Quintane a du mal à nous faire partager son désarroi, et son ton plutôt humoristique ne joue pas forcément en sa faveur. Pour faire quand même "littérature" et montrer qu'elle vient de la grande plutôt que de la petite, elle rédige ce livre en vers libres, et là aussi on a des doutes sur le bien-fondé de ce choix : d'une part parce que la mise en page pensée par La Fabrique annule un peu ses effets, d'autre part parce que l'écriture de Quintane n'a pas les épaules pour souffrir un tel procédé. Elle essaye bien, de temps en temps, de doper le style en valsant avec les formes grammaticales ou en produisant des phrases purement formelles, mais ça ne suffit pas, les vers restent banals. Bon, un livre qui dresse un état des lieux plutôt terrible de ce milieu, mais un livre pour rien, un de plus.