Le Vent (Finyè) de Souleymane Cissé - 1982
C'est du côté de la jeunesse que se place le bon Souleymane Cissé dans ce film, nous offrant un moment assez lumineux, optimiste et doux sur l'état de son pays dans les années 1980, et faisant entrer ses personnages dans l'ère moderne, ce qui est assez rare dans le cinéma africain en général. A l'exact milieu entre la tradition et la modernité, il trousse un scénario classique mais habile pour montrer la dichotomie entre les deux. D'un côté, donc, la tradition : Bâ est le petit-fils d'un chef à l'ancienne, le genre qui parle aux arbres et connaît par cœur le répertoire chamanique. De l'autre la modernité : Batrou est la fille d'un gouverneur militaire autoritaire et patriarcal. Ces deux-là sont amoureux, au grand dam de leurs géniteurs qui s'opposent à cette passion. Le père de Batrou truque les résultats du bac pour faire échouer Bâ et mettre un terme à leurs relations. Dès lors, les deux jeunes, soutenus par toute une bande, se révoltent et se dévouent à l'activisme politique, déclenchant des manifestations et écrivant des tracts gauchistes pour faire flancher le pouvoir dictatorial représenté par le gouverneur en treillis.
Cissé se place de toute évidence du côté de cette jeunesse engagée pour le changement, filmant avec douleur les malversations du pouvoir en place pour la faire plier. La deuxième partie du film, consacrée à la déportation et aux interrogatoires des jeunes activistes, est noire, et soutenue en parallèle par une vive critique du pouvoir en place : ce gouverneur est monstrueux, autoritaire, bête et méchant, traitant ses femmes comme ses choses (la critique de la polygamie est également assez violente). Même si du côté des croyances ancestrales, le film est aussi à charge, on se met sans problème du côté de Bâ, avec ce grand-père sorcier un peu ridicule mais beaucoup plus tolérant que le père de Batrou. La scène où il prépare son action au milieu des arbres et des esprits animistes, même montrée de façon un peu ridicule, est de toute évidence plus digne que les colères du père de Batrou, dépassé par sa fille et par ces jeunes qui s'opposent à son pouvoir. C'est bien agréable de voir le cinéaste, qu'on attendait plutôt du côté de la morale traditionnelle, prendre ainsi parti pour cette jeunesse engagée et active, et laisser entrevoir à la toute fin un espoir sur l'avenir du Mali libéré des contingences de la dictature.
Malheureusement, la mise en scène est loin d'être aussi intéressante que le propos. Mal rythmé et cadré au petit bonheur, Le Vent souffre d'un amateurisme assez flagrant dans la plupart de ses scènes, et d'un ton très illustratif pour raconter son histoire : les deux jeunes ne sont pas mal, certes, mais les vieux sont dirigés dans une caricature qui annule la subtilité du propos. Certaines scènes sont même filmées de façon aberrante, Cissé n'étant pas le maître du champ/contre-champ assurément. On note donc le ton agréable et la vision pertinente, mais on grimace devant la forme, qui demeure parfois intéressante il est vrai (ce bruit de vent, très symbolique, qui court dans beaucoup de scènes, c'est bien vu). Bon, pas mal...