Le Milliardaire (Let's Make Love) de George Cukor - 1960
Un Cukor en toute petite forme, qui joue pourtant ici en terrain connu chez lui : la comédie pétillante et légère, accompagnée par des petites chansonnettes et des chorégraphies au taquet (j'hésite à utiliser le terme de comédie musicale, j'ai l'impression que ce n'en est pas tout à fait une). Sur le papier, on s'attend à du glamour : Marilyn dans le rôle de la blonde fatale, Montand en star exotique, THE pro de la comédie aux manettes. Le scénario, gros prétexte : un milliardaire un poil désabusé se rend en sercret aux réptitions d'une pièce de Broadway censée le caricaturer. Il y rencontre la gironde Amanda, star du show, de laquelle il s'éprend sans autre forme de procès. Il se fait alors passer pour un apprenti-comédien, intègre la troupe et se met à travailler la belle au corps, convaincu qu'il a trouvé en elle la seule personne du sexe faible à ne pas l'aimer pour son argent mais pour lui-même. Mais il s'avère être une piètre recrue pour la troupe, ne sachant ni jouer, ni chanter, ni danser. Arrivera-t-il à tomber Marilyn ? Je vous laisse sur cette question.
Plein de soucis formels font de ce film un tout petit machin sans envergure. D'abord, problème crucial : les chansons sont nazes. A l'exception du classique "My Heart belongs to Daddy", on a là quelques morceaux assez affreux, déjà un peu à cheval sur le jazz contemporain, voire sur la pop ("Specialization"), et aucun ne reste en tête. Et les chorégraphies sont à l'avenant : quand elles ne sont pas lourdaudes, elles sont fades, et on soupire de voir notre Marilyn contrainte de courir à quatre pattes entre les jambes des hommes ou sautiller portée par de nazouilles danseurs, et -quitte à être mufle- force est de constater que la belle est un peu pataude, le film se situant à une époque où elle n'était pas très en forme et où elle avait tendance à s'alourdir plus que de raison. De façon assez sadique, Cukor la fait glisser le long de barres verticales, c'est presque douloureux de voir la star fatale aussi maltraitée par son réalisateur. D'autre part, Montand, bridé dans son talent par son rôle d'amateur incompétent, est très mal à l'aise dans l'exercice, et se contente bien souvent de mines d'ahuri face aux chansons qu'on l'imagine interpréter les doigts dans le nez. La scène la plus pénible pour lui est celle du cours de chant prodigué par Bing Crosby himself, où Montand doit chanter faux : on a mal pour lui.
Mais même en-dehors de ces scènes de comédie musicale, on soupire devant l'indigence du scénario, qui ne ménage aucune scène vraiment drôle, aucun moment vraiment marquant. L'histoire se déroule comme d'elle-même, jamais dirigée par un Cukor partisan du moindre effort pour le coup. Les personnages peu attachants (lui, gros con friqué rendu totalement neuneu par le désir, elle brave sotte adepte des cours du soir) ne nous intéressent jamais, et même les scènes qui pourraient avoir un peu de glamour en sont dé$ourvues : la séquence où Montand prend des cours de danse prodigués par Gene Kelly en personne tourne en eau de boudin, le danseur ne montrant jamais l'étendue de son talent, et un humour un peu con terminant la scène (deux hommes qui dansent ensemble, hin hin hin...) ; celle finale où Montand arrive enfin à rouler un patin à Marilyn (oui, je spoile) est mal filmée, la caméra restant uniquement sur le visage de l'actrice plutôt que de nous montrer aussi l'émoi de Montand. Bref, pas grand chose à en tirer, si ce n'est l'immuable charme des comédies de cette époque, la photo vintage reconnaissable entre toutes, et cette manière de ne pas prendre les choes au sérieux.