Tout sur ma Mère (Todo sobre mi madre) (1999) de Pedro Almodóvar
J'ai franchement passé un moment très agréable en compagnie de cet Almodovar de la fin des nineties, avec toujours ces actrices si vivantes, ces décors si chauds, cette BO si originale (oui, je l'avais pas faite encore ou que trente fois), ces multiples rebondissements et ce petit côté mélodramatique qui tombe à pic. En un mot comme en cent je me suis dit en effet que le Pedro mériterait sûrement en ces colonnes un peu plus d'attention, que cela vaudrait notamment le coup de revoir Matador ou La Loi du Désir, que sais-je encore... Je dis cela sans un enthousiasme débordant non plus car je pense que j'ai le même problème que mon comparse Gols : je trouve la mise en scène du Pedro très soignée (cette façon très fluide qu'il a de faire se déplacer ses trois actrices principales quand elles rentrent dans l'appart de Cecilia Roth - un ballet), sa direction d'actrices irréprochable (Roth, touchante, Paredes, digne, San Juan, truculente, Peña, peste à souhait, Cruz, pétillante) et sa façon de faire avancer l'histoire relativement « naturelle ». Almodovar est un vrai metteur en scène, un type qui a le cinéma dans la peau et un conteur de haut vol. Seulement voilà, je regarde tout ce petit monde s'agiter en gardant quelque distance, incapable d'être ému à l'instant i comme si ces personnages gardaient tout du long leur statut de simple figurine.
L'histoire, pour faire court, est celle d'une femme qui perd son enfant et qui suite à de multiples mésaventures, va se retrouver avec un autre sur les bras, un gamin conçu, dix-huit ans plus tard, par le même père. Entretemps, la moitié du casting aura été décimée, à cause de tragédies soudaines et aussi à cause du SIDA. Almodovar, fort joliment reconnaissons-le, sait infiltrer dans son récit de multiples références, qu'elles soient cinématographiques (avec All about Eve) ou cinémato-théâtrales (A Streetcar named Desire qui revient comme une sorte de fil rouge) : il le fait de façon relativement subtile, sans jamais que cela plombe son récit, en donnant l'impression que comme ces films, comme ces pièces, le destin des personnages, en particulier celui incarné par Cecilia Roth, était écrit d'avance. La vie de ce personnage bourré d'empathie est une suite de hasards, de coïncidences, une somme de circonstances qui ne pouvait finalement l'amener qu'à cette conclusion : si sa vie fut marquée par les drames, sa résilience, son ouverture d'esprit, son sens de la solidarité, ne pouvait également que lui permettre de retomber sur ses pieds. Certes, rien ne lui est épargné dans ce film, et elle doit se coltiner des relations qui ne sont pas toujours simples à gérer. Mais elle fait front, résiste, et sa sympathie, au sens littéral du terme, finit par lui attirer une véritable reconnaissance de la part de ses proches. C'est un personnage fort, pugnace, franc du collier qui se relève de toutes les tempêtes. Almodovar écrit un rôle magnifique pour Cecilia Roth (capable d'incarner en un seul film une pseudo-prostituée, une infirmière, une assistante d'artiste, une actrice) qui surfe avec une certaine facilité sur toutes ses fonctions. C'est encore une fois un beau scénario avec son lot d'événements tragi-comiques (des morts soudaines et des dialogues sans ambages - Almodovar sait à ravir écrire des dialogues à base de « pipes »), de beaux personnages, une classieuse mise en scène, mais malgré tout subsiste cette impression d'une œuvre un peu "lisse" qui ne touche pas directement ma (notre ?) petite sensibilité. Un excellent film, un bel univers, dont je reste un peu trop "spectateur" - oui je réciterai trois pater et quatre Je vous salue Marie.